Pourquoi le climat change-t-il?

Pourquoi le climat change-t-il?

Le climat de la Terre a changé plusieurs fois et de plusieurs façons. Nous connaissons beaucoup de choses sur les causes naturelles et sur les effets des changements climatiques anciens, et ces connaissances nous permettent d’affirmer avec confiance que les changements climatiques modernes découlent de l’activité humaine.

Mais comment pouvons-nous en savoir autant sur le climat d’un passé lointain?

Comprendre les changements climatiques anciens

Autrefois, les anciens peuples de toutes les cultures notaient et enregistraient les conditions météorologiques de différente manière : dans la littérature, leurs discours oratoires, leurs journaux personnels et leurs œuvres d’art. Et lorsque les instruments météorologiques furent inventés, nous avons été capables de mesurer et d’enregistrer avec précision les observations d’une manière plus scientifique.

Le plus long relevé de mesures de température fait avec des thermomètres provient du centre de l’Angleterre, et remonte à 1659. À la fin des années 1800, les thermomètres étaient utilisés partout dans le monde, et permettaient d’obtenir des estimations précises de la température moyenne de l’ensemble de la planète. Voilà pourquoi 1880 est souvent la première année montrant dans les graphiques les changements de la température moyenne de la planète. [1, 2]

Mais quand est-il des périodes encore plus reculées?

Il existe de multiples façons de reconstituer l’état du climat dans un lointain passé. Par exemple, les fossiles peuvent nous indiquer le type de températures qui prévalaient il y a des millions d’années, car nous savons que plusieurs plantes et animaux ne peuvent vivre que dans une fourchette de température restreinte.

Une source très importante d’information sur les climats anciens provient des carottes de glace, comme celles extraites de la calotte glaciaire de l’Antarctique. Cette masse de glace, d’une épaisseur de 4 km à certains endroits, est en fait une accumulation de neige tombée pendant des milliers d’années. Dans cette glace, on retrouve des bulles d’air emprisonnées à l’époque par la neige, nous donnant ainsi un portrait des changements dans le temps de la composition des gaz de l’atmosphère. C’est ainsi que nous savons que la quantité de dioxyde de carbone présente actuellement dans l’atmosphère est beaucoup, beaucoup plus élevée que qu’elle ne l’a été pendant au moins 800 000 ans (oui, la glace près de la base de l’Antarctique aurait cet âge, alors qu’à d’autres endroits elle a plus de deux millions d’années) [3, 4].

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Des données importantes sur le climat peuvent également être extraites de la glace elle-même. De très faibles variations au niveau des atomes d’hydrogène et d’oxygène de la glace indiquent la température au moment où la neige est tombée.

Lisez également : reconstituer les relevés de température à partir des carottes de glace

Tous les atomes d’un même élément ne sont pas identiques. Prenez l’hydrogène : presque tous ses atomes contiennent un proton et un électron. Cependant, une petite partie des atomes d’hydrogène ont un neutron de plus. Les scientifiques appellent cette variante un deutérium. Ce dernier est donc beaucoup plus lourd que l’hydrogène régulière. Dans le même ordre d’idée, certains atomes d’oxygène ont deux atomes en surplus, les rendant aussi plus lourds. Les scientifiques appellent ces variantes plus légères et plus lourdes des isotopes.

Les molécules d’eau qui contiennent un ou plusieurs isotopes d’hydrogène et/ou d’oxygène plus lourds sont donc plus lourdes que les molécules d’eau qui contiennent seulement des isotopes légers. Ces molécules d’eau plus lourdes nécessitent un peu plus d’énergie pour s’évaporer, ce qui signifie que lorsque le climat est frais, la quantité d’eau plus lourde qui s’évapore dans l’atmosphère est moins importante que lorsque le climat est chaud. Si le climat demeure frais assez longtemps, les plans d’eau de la Terre s’enrichissent d’isotopes lourds lorsque l’eau légère est entrainée pour tomber ailleurs sous forme de précipitation. Ainsi, la neige qui tombe dans des endroits comme l’Antarctique appauvrit en isotopes lourds. Le ratio d’isotopes lourds versus légers dans les échantillons de carottes de glace est un excellent indicateur des températures antérieures.

À l’aide de ces preuves, les scientifiques ont démontré que la planète s’est réchauffée et s’est refroidie à plusieurs reprises au cours des derniers 800 000 ans : les soi-disant périodes glaciaires ont donc vu le jour et ont disparu à plusieurs reprises. Des indications de cet historique de climat ancien se retrouvent partout sur la planète. Par exemple, des carottes de sédiments prélevées au fond de l’océan permettent d’arriver à la même conclusion.

Dans l’ensemble, la glace et les carottes de sédiments nous montrent l’existence d’un lien manifeste entre la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère et la température du globe [5]. Lorsque la planète était chaude, la concentration de dioxyde de carbone était élevée; lorsque la planète était froide, la concentration de dioxyde de carbone plus faible. De nos jours, la concentration de dioxyde de carbone dans l’atmosphère est plus de 40 % supérieure à tout niveau atteint lors des 800 000 dernières années, et elle continue de monter rapidement [4]. Selon tout ce que nous savons sur ces changements climatiques antérieurs, nous devrions nous attendre à ce que le monde se réchauffe… ce qui est le cas. [2]

Les causes des changements antérieurs

De nombreux faits nous indiquent que la Terre a connu plusieurs changements climatiques naturels.

Par exemple, il y a environ 20 000 ans, des plaques de glace d’une épaisseur de plusieurs kilomètres recouvraient presque tout le Canada, et le niveau des océans était plus de 100 mètres inférieurs à ce qu’ils sont actuellement [6]. Le climat s’est graduellement réchauffé et ces plaques de glace ont presque toutes disparu. Au cours des derniers 10 000 ans, la Terre a connu des températures moyennes globales relativement stables [7], du moins jusqu’à ce que les humains commencent à s’immiscer dans la chimie de l’atmosphère.

Mais comment le climat terrestre change-t-il sans l’influence de l’humain?

Le Soleil

Le Soleil constitue la seule source de chaleur et de lumière pour la Terre. Il est donc normal de présumer que les changements de température du globe doivent être liés à des changements au niveau de la production solaire.

Les scientifiques savent depuis maintenant des siècles que la production solaire (irradiance) varie dans le temps. Les périodes de production solaire légèrement plus élevées sont associées à l’apparition de taches solaires enregistrées par les astronomes depuis les années 1600. Le soi-disant « Petit Âge glaciaire » qui a affecté certaines parties de l’Europe et de l’Amérique du Nord pendant plusieurs siècles et qui a pris fin dans les années 1800, aurait été causé (du moins partiellement), pense-t-on, par une diminution de la production solaire. Pourquoi ne pense-t-on pas qu’un changement similaire inverse aurait actuellement un effet de réchauffement?

C’est parce qu’il n’existe pas de tendance au niveau de la production solaire qui explique la hausse des températures du globe. En fait, nous nous trouvons au bas du plus récent cycle solaire de 11 ans, donc la dernière décennie de réchauffement s’est produite malgré une faible production solaire.

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Légende : Le réchauffement observé dans le monde comparé au cycle solaire de 11 ans. Ce graphique montre l’irradiance solaire totale (IST; W/m2) [8] et les anomalies des températures terrestres et océaniques du globe (°C; 1951 à 1980) [9]. Les relevés du satellite mesurant l’IST remontent à 1974. Il n’y a aucune corrélation entre la hausse des températures du globe et les variations solaires.

Les cycles de Milanković

Le scientifique serbe Milutin Milanković est reconnu comme celui ayant démontré que les très lents changements dans la position de la Terre par rapport au Soleil ont un impact sur le climat. Nous savons maintenant que la forme de l’orbite de la Terre autour du Soleil, l’angle de son inclinaison et une « oscillation » dans sa rotation auraient amorcé les périodes glaciaires. [10]

Comment savons-nous que ces cycles n’expliquent pas le réchauffement planétaire moderne? Premièrement, ces cycles planétaires naturels changent le climat de la Terre sur des dizaines de milliers d’années et le réchauffement planétaire actuel se fait beaucoup plus rapidement soit sur une période de quelques décennies. La vitesse du changement climatique actuel ne peut donc être expliqué par ces très lents cycles de Milanković. Nous savons également que l’état actuel des cycles de Milanković occasionnait probablement un refroidissement planétaire avant que les émissions humaines de gaz à effet de serre ne renversent cette tendance [7, 10].

Lisez également : Volcans et fumée

La quantité de lumière du Soleil qui atteint la surface de la Terre diminue si on retrouve de la fumée ou de la poussière dans l’atmosphère. De grandes éruptions volcaniques rejettent des millions de tonnes métriques de gaz, de cendres et d’aérosols réfléchissants dans l’atmosphère, cachant ainsi le Soleil. [13].

La gigantesque éruption volcanique de Mount Pinatubo en 1991, par exemple, a, à elle seule, réduit de 10% la quantité de lumière du Soleil atteignant la surface terrestre entraînant une chute de la température moyenne du globe d’environ 0,6 °C [14]. L’effet a duré à peu près deux ans comme c’est habituellement le cas avec de telles éruptions.

Les feux de forêt rejettent aussi de la fumée et de la suie dans l’atmosphère qui bloquent temporairement une partie de la lumière du soleil. Les effets des feux de forêt peuvent être majeurs, mais ont souvent tendance à être régionaux et de courte durée.

Boucles de rétroaction

Les grands changements climatiques du passé étaient souvent causés par des facteurs relativement anodins dont les effets étaient amplifiés avec le temps. De petits changements peuvent engendrer des cycles d’autorenforcement qui, sur plusieurs milliers d’années, deviennent des changements climatiques majeurs. Les cycles de Milanković sont probablement le meilleur exemple de petits changements qui s’amplifient avec le temps.

Lorsque les cycles de Milanković ont entrainé un refroidissement des étés dans l’hémisphère Nord, les calottes glaciaires ont pu prendre de l’ampleur d’année en année. La réflexion de la lumière du Soleil sur ces calottes a entrainé un refroidissement du climat, accélérant la croissance des calottes glaciaires [11]. D’autres boucles de rétroaction ont ensuite été déclenchées quand la température du globe a chuté. Puisque les océans plus froids peuvent emmagasiner plus de dioxyde de carbone que les océans chauds, la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère a été réduite et l’effet de serre est devenu plus faible, refroidissant davantage la planète. Les scientifiques ont identifié plusieurs rétroactions de ce type par lequel un changement entraîne un effet de domino de changements qui se renforcent.

Ceci fonctionne aussi dans l’autre sens : au fur et à mesure que la planète se réchauffe, les océans rejettent davantage de dioxyde de carbone dans l’atmosphère, ce qui réchauffe encore plus le climat, et ainsi de suite. C’est une des façons par laquelle de très petits changements peuvent amplifier avec le temps.

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Légende : Boucle de rétroaction : un réchauffement engendre plus de CO2, ce qui entraine plus de réchauffement

Le réchauffement planétaire moderne

Les humains sont maintenant les principaux protagonistes des changements climatiques [12]. L’utilisation de combustibles fossiles a énormément intensifié l’effet de serre, éclipsant les effets des changements naturels en matière de production solaire et de cycles orbitaux qui auparavant étaient la cause des changements climatiques.

Heureusement, nous pouvons agir pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et ainsi réduire la sévérité des changements climatiques anthropiques. Veuillez consulter notre section Agir pour obtenir des idées et des histoires sur les gestes constructifs que peuvent poser les Canadiens en matière de changement climatique.

Références

  1. Met Office. Hadley Centre Central England Temperature (HadCET) dataset
  2. Hartmann, D.L. et al. “Observations: Atmosphere and Surface.” In: Climate Change 2013: The Physical Science Basis
  3. The Epica glaciology project.
  4. Lüthi et al. “High-resolution carbon dioxide concentration record 650,000–800,000 years before present.” Nature 453: 379-382.
  5. NASA. Goddard Institute for Space Studies. Science Briefs. “CO2: The Thermostat that Controls Earth's Temperature”
  6. United States Geologic Survey. “Glaciers and Sea Level”
  7. Marcott, Shaun A., Jeremy D. Shakun, Peter U. Clark, and Alan C. Mix. “A Reconstruction of Regional and Global Temperature for the Past 11,300 Years” Science 339 (8 Mar 2013): 1198-1201.
  8. Max Planck Institute for Solar System Research. “The Sun and the Earth’s Climate”
  9. NASA. Goddard Institute for Space Studies. “GISS Surface Temperature Analysis”
  10. NASA Earth Observatory. “Milutin Milankovitch: Orbital Variations"
  11. Science Daily. “Why an ice age occurs every 100,000 years: Climate and feedback effects explained”
  12. Prairie Climate Centre. “It Ain’t Natural: How we Know Humans are Causing Climate Change”
  13. United States Geologic Survey. “Volcanoes can Affect Earth’s Climate”
  14. NASA Earth Observatory. “Global Effects of Mount Pinatubo”

Lectures additionnelles

Relevés et reconstructions antérieures

Forces naturelles

Boucles de rétroaction

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