Initiative Onjisay Aki sur les changements climatiques

onjisay aki

Avant-propos : Cet article est dédié au très respecté gardien du savoir de la nation Anishinaabe, et à notre collaborateur honoré Nii Gaani Aki Inini (principal homme de la Terre), l’aîné Dave Courchene. En décembre 2021, l’aîné Courchene a fait son voyage vers le monde des esprits, mais l’héritage de son leadership et de ses enseignements environnementaux et spirituels est toujours vivant et continue d’inspirer notre travail sur les changements climatiques ainsi que le travail de personnes dans le monde entier.

Voilà maintenant près de 30 ans que Dave Courchene, gardien du savoir anishinaabe, a allumé le feu sacré lors du premier Sommet de la Terre des Nations Unies à Rio de Janeiro, et son engagement à partager les connaissances autochtones sur l’environnement n’a fait que se renforcer avec le temps.

L’ainé Courchene et la communauté de Turtle Lodge ont centré leurs travaux sur les changements climatiques. Inspiré par une vision, Courchene a lancé l’Initiative Onjisay Aki pour amener la sagesse autochtone sur les changements climatiques au premier plan au Canada (www.onjisay-aki.org).

La Terre est dans une période de transformation – 'Onjisay Aki' en langue anishinaabe. L’ainé Courchene nous rappelle que les connaissances et les valeurs ancestrales des peuples autochtones peuvent aider à guider l’humanité vers un mode de vie durable avec la terre.

« Je veux montrer au monde qui nous sommes, ce que nous avons, en particulier les connaissances que nous détenons et avec lesquelles nous avons évolué au cours de plusieurs millénaires », dit Courchene. « En tant que peuples autochtones, nous pouvons apporter une grande contribution en nous aidant tous, en tant qu’êtres humains, à accepter la façon dont nous nous comportons, la façon dont nous traitons la terre. »

Grâce au leadership de Couchene, Turtle Lodge a accueilli en juin 2017 le Sommet international Onjisay Aki sur le climat pour mettre les connaissances, les traditions et les valeurs autochtones au premier plan dans une conversation interculturelle sur les changements climatiques. Les gardiens du savoir de 14 nations se sont réunis avec d’autres dirigeants éminents des mouvements environnementaux et sociaux du monde entier pour quatre jours de cérémonie et de discussion.

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La cérémonie fut un moment essentiel du sommet Onjisay Aki. Dans la gouvernance anishinaabe traditionnelle, des cérémonies sont organisées pour établir un lien avec l’esprit et les ancêtres qui offrent des connaissances et des conseils. Comme l’ont affirmé les gardiens du savoir, le domaine spirituel est ce qui inspire les rêves et les visions qui offrent une direction.

Le rassemblement s’est déroulé dans un lieu sacré, le Turtle Lodge. Chaque jour commençait par des cérémonies du calumet et de l’eau, y compris une cérémonie spéciale du calumet avec un calumet sacré commandé par un groupe national d’aînés des quatre directions.

Les chefs spirituels ont également organisé une cérémonie de l’Oiseau-Tonnerre, pour construire un nid afin que les Oiseaux-Tonnerre reviennent et soient présents lors du rassemblement. Pour les Anishinaabe, les Oiseaux-Tonnerre sont vus comme l’un des gardiens spirituels et protecteurs de la Terre, et ces cérémonies aident les gens à se mettre en symbiose avec les esprits des Oiseaux-Tonnerre pour soutenir les lois naturelles de la terre.

Dans le cadre de leurs prophéties, une cérémonie de l’Aigle et du Condor a également eu lieu en soirée pour célébrer l’union des esprits des peuples autochtones de l’Aigle dans l’hémisphère nord et du Condor dans l’hémisphère sud. L’ainé Courchene et le gardien du savoir Inka Antaurko expliquent la prophétie de l’Aigle et du Condor dans la vidéo ci-dessous.

Les changements climatiques exigent un changement de valeurs

« Les changements climatiques sont le reflet des valeurs », a déclaré l’ainé Courchene dans son allocution au Sommet. De nombreux gardiens du savoir ont compris que les changements climatiques ne sont pas simplement un problème d’environnement ou un problème pouvant uniquement être résolu par des changements technologiques. C’est le symptôme d’un problème enraciné dans les valeurs occidentales et les systèmes économiques provoqués par le colonialisme.

« Les gens ne veulent pas reconnaître l’état de la terre, où il en est en ce moment, parce que c’est le reflet d’eux-mêmes », a partagé Katherine Whitecloud, gardienne du savoir chez les Dakotas. « C’est le reflet de leurs maisons, de leur espace personnel, où résident l’esprit et le cœur... Et les gens ne veulent pas regarder ça. » Si nous nous concentrons sur les valeurs qui sous-tendent les changements climatiques, qu’est-ce que cela signifie pour notre approche en matière de solutions climatiques?

Les gardiens du savoir ont discuté des valeurs humaines et des conditions qui entraînent des comportements et des modes de vie tributaires de l’extraction et de l’exploitation qui, en fin de compte, entraînent les changements climatiques et d’autres questions sociales et environnementales. Le tableau ci-dessous résume cette compréhension holistique de la question soulevée dans la discussion. Pour plus d’informations et d’illustrations, consultez l’article scientifique sur le Sommet.[1]

Tableau : Les aînés ont décrit des éléments de la condition humaine et des valeurs qui motivent les comportements et les activités humaines et qui, en fin de compte, causent les répercussions auxquelles nous sommes confrontés aujourd’hui.

Si nous nous concentrons sur les valeurs qui sous-tendent les changements climatiques, qu’est-ce que cela signifie pour notre approche en matière de solutions climatiques?

Les gardiens du savoir ont discuté des mesures climatiques comme d’une transformation des valeurs, comportements et façons occidentales de s’identifier à la terre, grâce au leadership des peuples autochtones.

La diversité des connaissances et des traditions autochtones, ancrées dans leurs modes de vie spirituels et mises en œuvre par leur identité nationale, peut représenter une inspiration et une direction à donner à ce changement culturel. Ces connaissances sont dérivées de la relation avec la terre et l’esprit.

Nous devons respecter le droit naturel

Les gardiens du savoir ont partagé des enseignements sur la responsabilité : tout ce que vous faites qui a un impact sur la terre finit par avoir un impact sur vous. Cela se reflète dans le droit naturel, les règles de conduite dans le cadre de notre relation avec la terre

« Notre culture nous a guidés à vivre au même endroit, à travers des centaines de générations pendant des milliers d’années, sur la bonne façon de vivre », a décrit Miles Richardson, gardien du savoir haïda. « Comment écouter pour que nous puissions comprendre ce qu’on a appelé le droit naturel. »

Ce droit nous enseigne la responsabilité envers les territoires et les terres sur lesquels nous vivons. Chaque personne a ces responsabilités, soit de vivre en bon terme avec la terre. En respectant le droit naturel, nous pouvons nous assurer que les générations futures pourront aussi aller de l’avant. Et ce sont les peuples autochtones qui ont maintenu ces relations et ces enseignements, et qui les ont mis à l’avant plan en cette période de changements climatiques.

Onjisay Aki Calls to Action (Onjisay Aki appels à l’action)

L’Initiative Onjisay Aki met en lumière la nécessité d’une action dirigée par les Autochtones contre les changements climatiques. Les appels à l’action internationaux Onjisay Aki ont été rédigés par les participants au Sommet et énumèrent quatre domaines prioritaires : les connaissances ancestrales, la souveraineté, les relations et la transformation.

Ces appels à l’action vont de la création « d'écoles ancestrales du savoir » pour faciliter le partage des connaissances entre les aînés et les jeunes, au soutien des communautés autochtones dans la définition de leur propre nation et de leurs propres systèmes de gouvernance. Ils soulignent également l’importance des possibilités de réunir les connaissances autochtones et la science occidentale sur les changements climatiques.

Les appels à l’action établissent un lien clair entre la souveraineté autochtone et les mesures climatiques. Regardez l’ainé Courchene discuter des faits saillants du Sommet et des appels à l’action dans cette vidéo :

Lisez également : Collaboration menée par la communauté

Grâce à une relation de longue date avec Turtle Lodge, notre équipe du Prairie Climate Centre a été invitée à collaborer à l’initiative Onjisay Aki. Nous avons travaillé en étroite collaboration, par le biais de nombreuses réunions, rassemblements et cérémonies, pour soutenir le Sommet. Guidés par la communauté, nous avons aidé à documenter la discussion par des écrits et des vidéos, et à élaborer du matériel pour partager les points de vue mis en avant dans le cadre de l’initiative.

Cette relation continue est un exemple du type de collaboration décrit dans les appels à l’action (travailler à travers les cultures et les visions du monde en matière de mesures climatiques). Courchene décrit lui-même ce partenariat comme « l’un des débouchés les plus importants de l’Initiative ». Comme il nous l’enseigne, le changement culturel nécessaire pour lutter contre les changements climatiques ne se produira pas du jour au lendemain. Il commence par des relations significatives entre des personnes engagées, « les gens du cœur », qui inspirent les autres à rejoindre le mouvement pour le changement.

Le momentum d’un mouvement

Depuis le Sommet de 2017, le momentum de l’Initiative Onjisay Aki ne cesse d’augmenter. Les appels à l’action ont jeté les bases de l’Initiative et ont contribué à créer une discussion cruciale sur les solutions climatiques menées par les Autochtones, laquelle continue à attirer des adeptes.

Des rassemblements annuels Onjisay Aki ont eu lieu au Lodge, chacun portant sur un domaine d’intérêt spécifique à la suite des discussions du Sommet et aux appels à l’action. Par exemple, le Rassemblement des gardiens et des scientifiques des savoirs traditionnels (Gathering of Traditional Knowledge Keepers and Scientists), dirigé par Dave Courchene et David Suzuki, s’est efforcé de créer des rapprochements entre les connaissances traditionnelles et des connaissances occidentales afin de relever les défis environnementaux.[2]

Les points de vue uniques des gardiens du savoir partagés au Turtle Lodge sont cruciaux à l’heure actuelle, car les impacts des changements climatiques se font déjà sentir, principalement chez les communautés autochtones.

References

  1. Cameron, L., Courchene, D., Ijaz, S. et al. ‘A change of heart’: Indigenous perspectives from the Onjisay Aki Summit on climate change. Climatic Change 164, 43 (2021). https://doi.org/10.1007/s10584-021-03000-8
  2. http://onjisay-aki.org/gathering-traditional-knowledge-keepers-and-scientists