Alors que les températures estivales commencent à grimper en flèche, de nombreux Canadiens sont impatients de visiter nos plages locales préférées pour réduire les effets de la chaleur. Dans de nombreuses parties du pays, cela signifie un voyage à la rivière ou au lac le plus proche.
Les changements climatiques ont des répercussions sur les plans d’eau partout au pays, les lacs du Canada se réchauffant deux fois plus rapidement que les autres lacs du monde. Et ces changements s’accompagnent d’une augmentation des risques pour la santé. Les températures plus élevées et les modèles de précipitations changeants rendent les lacs plus propices aux éclosions de maladies d’origine hydrique.[2] À mesure que la qualité de l’eau se détériore en raison des changements climatiques, on s’attend à ce que les fermetures de plages et les avis de baignade deviennent plus courants.[3]
Lorsqu’ils profitent des activités nautiques - telles que la navigation de plaisance, la pêche ou la natation - les gens doivent être conscients des risques potentiels qui peuvent découler de l’utilisation des plans d’eau. Les principaux risques de maladies hydriques sont associés aux dangereuses proliférations algales et à une forte teneur en bactéries dans l’eau.
Dangereuses proliférations algales nuisibles, changements climatiques et santé
De dangereuses proliférations algales peuvent se produire lorsque les algues dans l’eau se reproduisent de manière incontrôlée. Ces proliférations algales, comme les algues bleu-vert (aussi appelées cyanobactéries), sont préoccupantes pour les écosystèmes ainsi que pour les humains.[4]
Les projections en matière de changements climatiques sont claires. À travers le pays, les étés dureront plus longtemps et le nombre de jours chauds augmentera.[5] Dans de nombreuses régions du Canada, des étés plus longs et plus chauds peuvent être chaleureusement accueillis. Cependant, des températures de l’air plus chaudes et des saisons estivales plus longues signifient des lacs plus chauds et une croissance plus importante des algues.[6] Des étés plus chauds et plus longs, jumelés à des changements liés épisodes de pluie qui balayent les éléments nutritifs dans les lacs, créent un environnement favorable à la prolifération algale.
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Les algues dans l’eau constituent une partie naturelle et importante des écosystèmes lacustres. La croissance des algues dépend de la température, de la lumière et des nutriments (comme ceux que l’on retrouve dans les engrais agricoles et le ruissellement des eaux usées). L’excès de nutriments provenant de sources humaines dans les plans d’eau est appelé eutrophisation. L’eutrophisation est un problème mondial qui peut entraîner une multitude de problèmes locaux, y compris une mortalité généralisée des poissons et de mauvaises odeurs provenant du lac.[7]
Les dangereuses proliférations algales peuvent libérer des toxines nocives, qui constituent un risque pour la santé humaine. Certaines toxines produites par les cyanobactéries peuvent créer des symptômes graves qui peuvent affecter le système nerveux, le système respiratoire ou le foie. Lorsqu’elles entrent en contact avec le corps, elles peuvent provoquer des éruptions cutanées et une irritation des oreilles et des yeux, ainsi que des cloques sur les lèvres.[8] Les toxines provenant d’algues peuvent également constituer une menace potentielle pour la santé des animaux de compagnie. Les chiens qui nagent dans une eau affectée peuvent subir un empoisonnement aux algues suite à une exposition à ces toxines, ce qui peut rapidement devenir mortel.[9]
Bien que les algues constituent une préoccupation sérieuse pour la santé physique, il est important de tenir compte également des effets que les proliférations algales peuvent avoir sur la santé mentale lorsqu’elles nuisent aux moyens de subsistance des gens. Les répercussions de la profilération algale sur les moyens de subsistance traditionnels de certaines communautés autochtones ont eu de graves effets sur le bien-être mental, physique et spirituel de ces communautés.[10]
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La Dre Becky Cook, membre de la communauté et chercheuse de la Nation crie de Misipawistik (NCM),affirme que, d’un point de vue autochtone, la santé doit être considérée de manière holistique. Les risques pour la santé physique liés à l’utilisation récréative ne sont pas le seul impact négatif de ces proliférations. Elles ont également une incidence sur la capacité des citoyens de la NCM à exercer leurs droits autochtones inhérents d’utiliser l’eau pour se nourrir, ce qui se traduit par des impacts négatifs sur la santé mentale, spirituelle et physique de la population.
Dre Cook explique que les pêcheurs sont grandement touchés par ces proliférations, car les algues recouvrent leurs filets et réduisent la quantité de poissons qu’ils capturent, créant un obstacle lorsqu’ils tentent de subvenir à leurs besoins et à ceux de leurs communautés. Ils sont également préoccupés par la dégradation continue de l’ensemble de l’écosystème lacustre et ses effets potentiels sur les populations de poissons.
Dre Cook a grandi à Misipawistik, sur le lac Winnipeg, et dit que les algues n’ont jamais été un problème dans sa région quand elle était jeune, mais qu’elles représentent de plus en plus un défi pour sa communauté. Il y a une déconnexion croissante chez les jeunes générations, explique Dre Cook, car les écosystèmes se dégradent sur leur territoire et les gens sont moins en mesure d’utiliser la terre comme ils le faisaient autrefois.
Événements extrêmes et qualité de l’eau
Lorsqu’une importante averse de pluie balaie le paysage, le ruissellement important qui s’écoule dans les lacs peut transporter des polluants tels que des bactéries et des nutriments en excès. Ian Young, professeur adjoint au School of Occupational and Public Health de l’Université Ryerson, explique que les usines de traitement des eaux usées peuvent ne pas être en mesure de traiter toute l’eau suite à de fortes précipitations, ce qui peut entraîner le contournement direct de l’eau non traitée dans un plan d’eau. L’afflux de bactéries contamine l’eau et peut causer des problèmes de santé.
Ian Young avertit également que les rivages sablonneux représentent un environnement propice à la survie et à la croissance des bactéries. Les vents augmentent l’effet des vagues, ce qui peut perturber le sable et entraîner une hausse marquée des bactéries dans l’eau, au-dessus de la limite jugée sécuritaire pour nager ou consommer cette eau.
Avis de baignade sur une plage du Manitoba en raison de niveaux élevés de bactéries.[11]
Les changements climatiques entraînent des averses de pluie plus fréquentes et plus intenses dans une grande partie du Canada. « À mesure que nous verrons davantage de ces événements extrêmes dans les années à venir », explique Ian Young, « nous nous attendons à voir une mauvaise qualité de l’eau des plages plus souvent. » Et plus de problèmes de qualité de l’eau signifient des fermetures de plages plus fréquentes.[13]
Bien que nous puissions nous attendre à une augmentation des maladies hydriques actuelles en raison des changements climatiques, nous pourrions également voir l’apparition de nouvelles bactéries et de nouveaux microbes que l’on ne voit pas couramment au Canada. Ian Young explique : « À mesure que la température se réchauffe en raison des changements climatiques, des conditions environnementales qui n’étaient auparavant pas propices à certaines bactéries pourraient devenir plus propices. »
Comment les maladies hydriques vous rendent-elles malade?
Les principales façons dont les maladies hydriques peuvent rendre quelqu’un malade sont par contact direct sur la peau ou en avalant accidentellement de l’eau contenant des bactéries ou des toxines.
« Les enfants sont plus sensibles à ces maladies, dit Ian Young. « Ils ont tendance à passer plus de temps dans l’eau que les adultes... et ils sont plus susceptibles d’avaler de l’eau accidentellement. Il explique que les enfants sont également plus à risque parce qu’ils sont exposés à ces maladies lorsqu’ils jouent dans le sable qui peut contenir des bactéries.
Les symptômes courants de la maladie hydrique après avoir avalé ou été en contact avec l’eau contaminée peuvent inclure : diarrhée, vomissements, crampes abdominales, infection oculaire, infection de l’oreille et éruptions cutanées.
Les symptômes des maladies hydriques sont semblables à ceux des maladies d’origine alimentaire, explique Ian Young, de sorte que les gens ne se rendent souvent pas compte que l’eau est responsable de leur maladie. Étant donné que les maladies hydriques ne sont souvent pas diagnostiquées et ne sont pas déclarées, le taux de maladies hydriques au Canada n’est pas connu.[14]
Prévention des maladies hydriques
Une chose que vous pouvez faire pour réduire votre risque de souffrir d’une maladie hydrique est de prêter attention aux recommandations gouvernementales soit les avis de baignade et les fermetures de plages, qui sont mises en place pour empêcher le public d’entrer dans l’eau lorsque ces risques sont présents.
Cependant, il est important de garder à l’esprit que les conditions de l’eau peuvent changer très rapidement et que les avis et les fermetures ne sont pas toujours en vigueur lorsque l’eau est contaminée.[15] Pour réduire le risque de maladies hydriques, d’autres mesures peuvent être prises, notamment :
- rincer votre corps avec de l’eau propre immédiatement après la baignade
- éviter d’avaler de l’eau
- éviter de nager après un épisode de pluie
- éviter de nager là où les algues sont visibles
- surveiller les enfants et les animaux de compagnie autour des proliférations algales
Pour obtenir de l’information, visitez les pages Web de surveillance des plages de votre province pour obtenir les plus récentes mises à jour sur la qualité de l’eau avant de vous rendre à la plage.
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Les chercheurs créent et mettent continuellement à jour des modèles prévisionnels qui peuvent prévoir quand il y aura un risque possible de contaminants dans l’eau. Ils peuvent prédire la qualité de l’eau en fonction des conditions météorologiques de la veille.[16] Ces modèles sont utilisés pour aider les responsables de la santé publique à prendre des décisions en matière de gestion des risques.
Ces modèles s’inspirent des données de surveillance de la qualité de l’eau. Par exemple, la surveillance interactive de la prolifération algale AttentionLacsOT d’Environnement et Changement climatique Canada utilise la technologie de télédétection pour obtenir les conditions à l’échelle du lac. Pour en savoir plus sur AttentionLacsOT et pour utiliser l’outil de surveillance interactif, cliquez ici
Augmentation de l’étendue de la prolifération dans le bassin sud du lac Winnipeg de 2016 à 2019 de AttentionlacsOT
Protéger nos plans d’eau
La clé pour garder nos plages et nous-mêmes en bonne santé est d’empêcher la contamination de l’eau en premier lieu. Une chose qui peut être faite est de mieux contrôler le ruissellement des nutriments et des bactéries provenant du traitement des eaux usées et des champs agricoles. L’éducation du public sur les risques potentiels pour la qualité de l’eau, ainsi que l’amélioration des programmes de gestion des eaux utilisées à des fins récréatives (comme la surveillance et les recommandations) réduiront le risque de maladie chez les utilisateurs des plages.[15]
« La période que nous vivons en ce moment est très importante », affirme Ian Cook. « Nous devons faire le nécessaire pour en apprendre suffisamment sur ces menaces qui pèsent sur nos ressources naturelles et nous devons essayer de les protéger. » Il poursuit en expliquant en outre qu’en rassemblant les connaissances des communautés autochtones et des scientifiques, nous pouvons mieux comprendre les changements climatiques et collaborer pour trouver des moyens d’éviter leurs pires impacts.
Une autre façon d’aider à améliorer la santé de vos eaux locales utilisées à des fins récréatives est de devenir un citoyen-scientifique et de se porter volontaire pour prélever des échantillons d’eau.
Lisez également : Aidez votre lac en devenant citoyen-scientifique!
De nombreux organismes sont à la recherche de membres de la communauté pour les aider à recueillir des données locales sur la qualité de l’eau. Ces données sont utilisées pour mieux comprendre les bassins versants et déterminer la qualité des plages.
Chelsea Lobson dirige le Lake Winnipeg Community-based Monitoring Network (Réseau de surveillance communautaire du lac Winnipeg), où des bénévoles de tout le bassin versant du lac Winnipeg recueillent des échantillons d’eau. « Beaucoup de gens ressentent des liens très forts avec les plans d’eau près d’eux et ils veulent faire une différence », affirme Mme Lobson, « avoir un moyen pratique de sortir fréquemment et de se connecter et d’améliorer la santé de cette eau est très épanouissant ».
Vous souhaitez aider un plan d’eau près de chez vous? Pour en savoir plus sur la façon de devenir un citoyen-scientifique, consultez :
Changements climatiques et atténuation des maladies
Les changements climatiques n’ont pas seulement des répercussions sur les maladies hydriques, mais aussi sur d’autres maladies infectieuses (comme les maladies transmises par les tiques et les maladies d’origine alimentaire). Bien qu’il y ait des mesures que nous pouvons prendre pour minimiser nos risques immédiats, la meilleure solution face aux impacts à long terme sur notre santé est de réduire les changements climatiques.
La réduction de nos émissions de gaz à effet de serre peut freiner l’intensification de la chaleur et des précipitations qui est prévue dans les années à venir et réduire les risques pour la santé qui y sont associés. Les gouvernements, les décideurs, l’industrie et les membres de la communauté doivent faire des efforts pour faire partie des solutions à ces problèmes.
Pour en connaitre davantage sur les liens entre les changements climatiques et la santé, et les retombées positives des solutions proposées, vous pouvez consulter nos articles Santé et changement climatique et Agir.
References
- CTV News - Toxic algae, climate change, bad policy: Scientists say fresh water under threathttps://www.ctvnews.ca/sci-tech/toxic-algae-climate-change-bad-policy-scientists-say-fresh-water-under-threat-1.4692925
- Wu et al., (2016) Impact of climate change on human infectious diseases: Empirical evidence and human adaptation https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0160412015300489
- Knowlton et al., (2014) Human Health. Climate Change Impacts in the United States: The Third National Climate Assessment. https://nca2014.globalchange.gov/report/sectors/human-health#intro-section
- Environmental Protection Agency https://www.epa.gov/cyanohabs
- Atlas climatique du Canada https://atlasclimatique.ca/carte/canada/plus30_2030_85#
- Hayes et al., (2020) Effects of lake warming on the seasonal risk of toxic cyanobacteria exposure https://aslopubs.onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1002/lol2.10164
- United States Geological Survey https://www.usgs.gov/mission-areas/water-resources/science/nutrients-and-eutrophication?qt-science_center_objects=0#qt-science_center_objects
- HealthLinkBC https://www.healthlinkbc.ca/healthlinkbc-files/blue-green-algae
- VCA Animal Hospitals https://vcacanada.com/know-your-pet/algae-poisoning
- Willox et al., (2014) Examining Relationships Between Climate Change and Mental Health in the Circumpolar North http://www.lamentfortheland.ca/wp-content/uploads/2014/09/CC-Circumpolar-MH_Cunsolo-Willox-et-al.-Online.pdf
- CBC News - Birds a key cause of fecal contamination at Lake Winnipeg beacheshttps://www.cbc.ca/news/canada/manitoba/e-coli-beaches-manitoba-1.4237810
- Atlas climatique du Canada https://atlasclimatique.ca/map/canada/precip20_2060_85#
- Luber, G., et al., (2014) Ch. 9: Human Health. Climate Change Impacts in the United States: The Third National Climate Assessmenthttps://nca2014.globalchange.gov/report/sectors/human-health#intro-section
- Castleden et al., (2015) Examining the public health implications of drinking water–related behaviours and perceptions DOI: 10.1111/cag.12169
- Santé Canada - Recommandations au sujet de la qualité des eaux utilisées à des fins récréatives au Canada (troisième édition) https://www.hc-sc.gc.ca/ewh-semt/alt_formats/pdf/pubs/water-eau/guide_water-2012-guide_eau/guide_water-2012-guide_eau-eng.pdf
- Charron, F et al., (2004) Vulnerability of Waterborne Disease to Climate Change in Canada: A Review
Référence d'article recommandée
Atlas climatique du Canada. (n.d.) Maladies hydriques et changements climatiques. Prairie Climate Centre. https://atlasclimatique.ca/maladies-hydriques-et-changements-climatiques