Les connaissances métisses et les changements climatiques

Les connaissances métisses et les changements climatiques

Les Métis sont un peuple autochtone distinct qui entretient des liens profonds avec la terre, les rivières et les lacs des plaines du nord, maintenant la région de l’ouest du Canada, où la nation métisse a commencé à prospérer au 19e siècle. Depuis sa participation à la traite des fourrures et à l’économie du bison, la nation métisse possède des connaissances culturelles et environnementales depuis fort longtemps concernant les changements qui se produisent dans son territoire.[1]

Kyle Vermette, un citoyen métis de la Saskatchewan croit que « les peuples autochtones ont une connaissance ancienne et une compréhension ancienne de la façon dont le monde fonctionne ». Vermette suggère que les valeurs de protection et de conservation de l’environnement sont au cœur des peuples autochtones : « Je pense que cela fait partie de notre ADN. » Il explique comment les connaissances métisses tissent une compréhension nuancée et adaptée de la terre et de ses habitants : « Nous vivons dans une région particulière et nous en sommes les intendants. »

Les connaissances métisses et les changements climatiques

La culture, la langue et les modes de vie métis, ancrés dans le rapprochement des ancêtres européens et autochtones ont formé un peuple, Optipemsiwak, entièrement nouveau et libre, malgré les efforts systématiques pour retirer, déplacer et déposséder les Métis de leur terre.[2] En effet, les Métis ont une « longue histoire d’économies entrepreneuriales durables basées sur des systèmes de connaissances étroitement liés à leurs territoires traditionnels », ce qui offre une perspective unique sur les changements environnementaux.[3]

Situé dans la campagne vallonnée des montagnes Turtle dans le sud du Manitoba, Will Goodon se tient à côté de la cabane en rondins de sa famille, qu’il a construite avec son père, dont les premiers souvenirs ont émergé d’une cabane similaire qui se trouvait autrefois au même endroit. Goodon réfléchit à son lien avec cette terre particulière, le temps qu’il a passé à chasser, à trapper et à pêcher avec sa famille, tout en parlant de son temps en tant que chef métis négociant pour son peuple aux niveaux local, national et international.

« Nous sommes une nation distincte, nous sommes un peuple autochtone distinct. Nous ne sommes pas seulement mixtes. Nous avons notre propre point de vue unique sur ce que signifie protéger la planète, protéger la nature et sur ce que cela signifie de s’assurer que la conservation est un principe qui est absolument au plus haut niveau », déclare Goodon. C’est une journée très chaude et les changements climatiques sont au premier plan des discussions.

Goodon s’exprime lors d’une vague de chaleur sans précédent dans l’ouest du Canada, avec des températures extrêmes, une sécheresse étendue et des incendies de forêt dangereux affectant l’ensemble du paysage et ses habitants. La préoccupation immédiate de Goodon était le bien-être des communautés et des écosystèmes dont ils dépendent pour leur bien-être et leurs moyens de subsistance.

« Comment cela affecte-t-il nos récolteurs? La première chose à laquelle je pense, c’est l’eau. L’eau a changé en raison des changements climatiques. Les niveaux d’eau dans le lac changent, et cela affecte les poissons, cela affecte les canards, cela affecte les animaux, tous ceux qui ont besoin d’eau vont être affectés. Je crois que ce sont d’énormes préoccupations et elles devraient l’être pour tout le monde », déclare Goodon.

La vidéo Pompiers forestiers métis

Avec les changements climatiques, causés par les gaz à effet de serre, les forêts s’assèchent et la probabilité d’incendies extrêmes dans l’Ouest canadien, les territoires de la nation métisse, a augmenté de 1,5 à 6 fois.[4] Les connaissances métisses, transmises de génération en génération, montrent une compréhension approfondie de ces processus liés au climat, des avantages de la prise de décision locale en matière de gestion forestière et du soutien aux efforts d’atténuation des incendies qui sont liés aux processus culturels et naturels basés sur les écosystèmes.[5]

Marina Best, une experte métisse en conservation, qui travaille à l’interface des connaissances autochtones et de la science occidentale affirme que les connaissances métisses sont « vraiment multiformes en s’appuyant sur l’histoire, l’utilisation des terres, la médecine, la spiritualité, les histoires, les enseignements, le respect, entre autres. » Best suggère que la société est à un moment critique, nécessitant des liens entre la science et le savoir autochtone, et suggère que les perspectives métisses sont importantes parce qu’elles relient ces mondes depuis des décennies.

« Je pense que les Métis interprètent et réagissent aux impacts des changements climatiques de manière créative, en s’appuyant sur leurs connaissances métisses et d’autres technologies, bien sûr, pour trouver des solutions qui peuvent aider la société dans son ensemble à faire face aux changements imminents relatifs aux changements climatiques », déclare Best. Elle a remarqué les moyens pratiques par lesquels les approches métisses et occidentales peuvent interagir dans le respect et résoudre les défis du monde réel, tels que les aires protégées et conservées autochtones, ou APCA, et elle est optimiste quant à l’avenir.

La vidéo Perspectives des Métis au sujet des changements climatiques et de la conservation

De retour dans les montagnes Turtle, dans la chaleur étouffante du milieu de journée, Taylor, la fille de Will Goodon se joint à lui pour discuter des connaissances métisses et des changements climatiques. Taylor offre une importante perspective de jeunesse, surtout en tant que Métisse qui étudie les sciences à l’université et qui est également profondément liée à la terre.

Parlant de la nature intergénérationnelle des connaissances métisses, Taylor déclare : « Je suis reconnaissante de pouvoir grandir dans une famille qui est toujours liée à sa culture » et rend hommage à son père, à son grand-père et à la communauté au sens large pour avoir partagé sa sagesse. Taylor ajoute : « Je pense qu’il est essentiel que les jeunes Métis soient non seulement entendus, mais à l’avant-garde de ce problème. » Will écoute attentivement depuis la galerie de la cabane, reconnaissant le leadership de la prochaine génération, tandis que Taylor conclut :

« J’aimerais que le milieu universitaire accorde plus d’attention à ce que signifie vraiment être sur la terre et à ce que signifie être autochtone à la terre. Et le lien entre les deux, je pense, a vraiment renforcé ma compréhension des changements climatiques et me donne encore plus envie de me battre pour cela. »

References

  1. Teillet, J. 2019. The North-West is Our Mother: The Story of Louis Riel’s People, The Métis Nation. HarperCollins Publishers: Toronto, ON.
  2. Logan, T. 2015. Settler colonialism in Canada and the Métis. Journal of Genocide Research, 17, 433-452.
  3. Hodgins-Smith, K. and Kermoal, N. 2016. Community-based research and Métis women’s knowledge in Northwestern Saskatchewan. In Kermoal et al. (Eds). 2016. Living on the Land: Indigenous Women’s Understanding of Place. Athabasca University Press: Edmonton, AB.
  4. Kirchmeier-Young, M.C., Zwiers, F., Gillett, N.P. and Cannon, A.J. 2017. Attributing extreme fire risk in Western Canada to human emissions. Climatic Change, 144, 365-379.
  5. Christianson, A., McGee, T.K. and L’Hirondelle, L. 2014. The influence of culture on wildfire mitigation at Peavine Métis Settlement, Alberta, Canada. Society and Natural Resources, 27, 931-947.