Les incendies de forêt et le changement climatique

Les incendies de forêt

Doug Findlater, maire de West Kelowna, se souvient d’avoir vu l’incendie qui a ravagé la ville en 2003 dans le parc Okanagan Mountain : « Cela ressemblait à un film de guerre, avec des maisons qui explosent partout », dit-il. Plus récemment, les Canadiens ont regardé avec horreur l’immense incendie de Fort McMurray en 2016 menaçant la ville. L'incendie de Fort Mac a provoqué l'évacuation de près de 90 000 personnes et est rapidement devenu la catastrophe naturelle la plus coûteuse de l'histoire du Canada, détruisant 2 400 bâtiments et causant des dommages d'environ 10 milliards de dollars. [1]

Les incendies de forêt font les manchettes à travers le Canada chaque été. Ils dévastent régulièrement des millions d'acres de forêt [2] et menacent parfois des communautés entières avec une violence soudaine et catastrophique. Les incendies destructeurs ont un impact durable sur la communauté qui persiste longtemps après le retour des gens chez eux pour reprendre leur vie normale. Findlater parle d'expérience quand il dit « la vie n'est plus jamais la même après votre évacuation ». Le danger extraordinaire et les impacts durables des incendies de forêt expliquent pourquoi nous dépensons autant d'argent - environ un milliard de dollars par an - pour les combattre. [3]

Les incendies sont une menace estivale saisonnière car ils ne peuvent que commencer, s'intensifier et se propager par temps chaud et sec. Selon Findlater, « en tant que maire, je n’ai pas vraiment hâte à l’été tel que la plupart des gens». Il note qu’à mesure que les changements climatiques entraîneront des étés plus longs et plus secs, les Canadiens devront faire face à des risques de plus en plus grands d’incendies, et que nous devons prendre des mesures décisives pour gérer le danger croissant.

Le changement climatique et les conditions météorologiques rattachées aux incendies

Lorsque Mike Flannigan, chercheur sur les incendies de forêt, regarde à l’avenir sur ce que les changements climatiques signifient pour les incendies de forêt au Canada, il ne tourne pas autour du pot : « en un mot, l’avenir est enfumé ».

Flannigan étudie le feu depuis plus de trente ans. Il a fait des recherches sur les principaux ingrédients des incendies de forêt destructeurs - le carburant, l’inflammation et la météo - dans le monde entier. Ses travaux et ceux de centaines d'autres chercheurs montrent que les changements climatiques devraient empirer les trois ingrédients dans la majeure partie du Canada, faisant du réchauffement climatique une triple menace pour nos forêts.

En savoir plus : Le rôle naturel important des incendies

Les incendies de forêt font naturellement partie du cycle de vie de la forêt boréale. Les incendies aident à éliminer les déchets du sol de la forêt, à recycler les éléments nutritifs dans le sol, à creuser des trous dans les peuplements d’arbres pour favoriser une nouvelle croissance et à tuer les espèces envahissantes et les ravageurs forestiers. Certains arbres, comme le pin gris, ont même besoin de la chaleur des incendies de forêt pour la reproduction. Lorsqu’un incendie rencontre la civilisation humaine, il devient une menace dangereuse ou catastrophique.

Quand il considère ce qui attend le Canada, Flannigan dit simplement « qu’il y aura beaucoup plus d’incendies dans l’avenir et nous ferions mieux de nous y habituer ». De plus en plus de Canadiens vivent, travaillent et jouent dans les forêts canadiennes. Cela signifie que davantage de personnes risquent d’être touchées par des incendies de plus en plus importants - même catastrophiques. « Est-ce que Fort McMurray était un cas isolé ? » Flannigan dit en méditant « les cieux, non »

Pour déterminer les effets des changements climatiques sur les incendies de forêt au Canada, Flannigan et une équipe de chercheurs du Service canadien des forêts ont analysé les résultats de près de 50 études internationales sur les changements climatiques et les risques d’incendie. [4] Ils ont constaté que notre avenir semblait « enfumé » parce que les changements climatiques aggraveront les trois principaux facteurs qui influencent les incendies de forêt : avoir du combustible sec à brûler, des éclairs fréquents qui déclenchent des incendies et un temps sec et venteux qui attise les flammes.

Une autre étude récente [5] de Flannigan et de plusieurs autres scientifiques prédit que l’Ouest canadien connaîtra une augmentation de 50 % du nombre de journées sèches et venteuses qui permettra aux incendies de se déclencher et de se propager, tandis que l’Est canadien verra une augmentation encore plus dramatique de 200 % à 300 % de ce genre de « conditions météorologiques rattachées aux incendies ». D'autres études prédisent que les incendies pourraient brûler deux fois plus de superficie moyenne par année au Canada d'ici la fin du siècle, comparé à ce qui s'est passé récemment. [6]

En savoir plus : Les matériaux combustibles

Le temps chaud peut assécher le paysage très rapidement. Plus les herbes, les broussailles et les arbres sont secs, plus ils risquent de prendre feu et de rester en feu. Le réchauffement climatique a un effet direct et évident sur ce risque en élevant les températures, ce qui asséchera la végétation plus rapidement et plus complètement. La présence de tout ce combustible sec permettra à plus d'incendies de démarrer et de brûler de plus en plus loin sur une plus grande superficie.

Il ne faut que quelques jours de chaleur pour créer des conditions d'incendie, même s'il y a eu récemment des averses et même des inondations. Par exemple, en Colombie-Britannique, la saison des incendies de 2017 a fracassé les records d'incendies de forêt pour la plus grande superficie totale brûlée, et ce record n'a été fracassé qu'un an plus tard, en 2018. [7] Cet été catastrophique d’incendie a été immédiatement suivi par un printemps avec des pluies torrentielles et des inondations. Ces dangers apparemment contradictoires se sont chevauchés, ce qui a amené le centre des opérations d'urgence d'Okanagan à avertir les résidents de ne pas sous-estimer les risques d'incendie causés par les inondations. [8]

Les changements climatiques devraient entraîner une forte augmentation du nombre de journées très chaudes dans tout le pays (voir notre carte des jours à + 30 °C] Cela signifie que nos forêts deviendront probablement beaucoup plus inflammables d’un océan à l’autre.

Cela signifie que nos forêts deviendront probablement beaucoup plus inflammables d’un océan à l’autre. [9] En Colombie-Britannique et en Alberta, le réchauffement des températures permet la propagation spectaculaire du dendroctone du pin ponderosa, qui a touché plus de 180 000 kilomètres carrés de forêts (une superficie supérieure à celle de l'ensemble de la Grèce). [10] Ces insectes tuent leurs arbres hôtes et ont créé de vastes étendues de bois mort debout, qui sont maintenant d'immenses réservoirs de combustibles de feux de forêt. Le dendroctone du pin n'est que l'un des nombreux ravageurs forestiers dommageables susceptibles de se propager grâce aux hivers plus doux causés par les changements climatiques. [11]

Consultez notre article « Les ravageurs forestiers et les changements climatiques » pour en savoir plus sur les risques liés aux insectes.

En savoir plus : La foudre

Toutes les herbes sèches et le bois du monde ne deviendront pas un feu de forêt si rien ne l’emflamme. Comme le souligne Mike Flannigan, « les incendies de forêt sont causés par deux choses : la foudre et les personnes ».

Malheureusement, la hausse des températures favorise le développement de plus de tempêtes capables de produire de la foudre, la principale cause des incendies de forêt dans les régions éloignées et de plus de la moitié des incendies de forêt. [12] Les scientifiques travaillant à partir de modèles climatiques prévoient avec prudence une augmentation de 80 % du nombre de coups de foudre au Canada d’ici la fin du siècle. [6]

Le Canada a enregistré en moyenne plus de 7 000 incendies de forêt par an depuis 1990. [13] Plus de la moitié d'entre eux sont causés par la foudre, de sorte qu’un quasi-doublement de coups foudre pourrait donc entraîner plus de 9 000 incendies par an d'ici la fin du siècle.

En savoir plus : Les conditions météorologiques rattachées aux incendies

Le troisième élément déterminant la gravité des incendies de forêt est le temps sec et venteux: les conditions que Mike Flannigan appelle « Les conditions météorologiques rattachées aux incendies ». La chaleur sèche contribue à créer plus de carburant à brûler, et le vent se propage plus rapidement dans les incendies de forêt et les rend beaucoup plus difficile à éteindre.

Les changements climatiques dressent des obstacles de sorte que les conditions météorologiques chaudes, sèches et venteuses apparaissent plus fréquemment qu'auparavant. Étonnamment, l'une des raisons de cette augmentation est la hausse de la température dans l'Arctique.

Bien que l'Arctique soit très éloigné, son climat a des effets dramatiques sur les conditions climatiques du sud du Canada. L'extrême nord du Canada se réchauffe beaucoup plus rapidement que le sud et, à mesure que l'Arctique se réchauffe, le courant-jet ralentit et serpente. [14] Cela signifie que les conditions climatiques qui devraient normalement passer dans un jour ou deux ont tendance à rester plus longtemps, provoquant des inondations (si les pluies persistent pendant des jours ou des semaines) et la sécheresse (quand le temps chaud et sec ne s’arrêter pas).

Ainsi, le réchauffement climatique crée des températures plus élevées qui donnent plus de combustible sec disponible pour la combustion et entraînent également des conditions météorologiques rattachées aux incendies qui sont chaudes et sèches et plus persistantes permettant aux incendies de s'intensifier et de se propager.

Un temps plus chaud provoque également une fonte plus précoce de la neige et des gelées automnales plus tardives, qui augmentent la saison des incendies ou la période où le temps est assez chaud et suffisamment sec pour que les incendies se produisent. Partout au pays, la saison des incendies commence plus tôt et dure plus longtemps. Flannigan note que la saison des incendies en Alberta commence un mois plus tôt qu'auparavant, soit au début de mars plutôt qu'en avril.

Consultez notre carte des changements prévus dans la saison sans gel à travers le Canada pour voir comment la saison des incendies pourrait s'étendre.

L’atténuation

Il existe un cercle vicieux entre les incendies de forêt et les changements climatiques : les températures plus chaudes rendent les incendies plus probables et les forêts brûlées dégagent une pollution par les gaz à effet de serre qui aggrave le réchauffement climatique. [15]

Cela signifie que les efforts globaux visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à ralentir le réchauffement climatique contribueront également à prévenir les incendies de forêt. D'autre part, travailler à réduire le nombre et la gravité des incendies de forêt contribuera également à ralentir les changements climatiques.

De nombreux aspects des incendies de forêt sont hors de notre contrôle, mais, comme le fait remarquer Flannigan, « tous les incendies de forêt causés par l’homme peuvent être évités ». De plus, Flandlater rapporte qu’un bon nombre de récents incendies près de Kelowna ont été causés par la négligence humaine. Dans un monde où les risques et les conséquences des incendies ne cessent d’augmenter, il faudra davantage d'interdictions de feu et de fermetures de forêts, ainsi qu'un enseignement plus novateur et permanent sur les incendies afin de réduire le nombre d'incendies causés par l'homme.

L’adaptation

Comment pouvons-nous « nous habituer » à un monde avec beaucoup plus d’incendies de forêt ?

Heureusement, il existe un certain nombre de mesures que les individus et les municipalités peuvent prendre pour réduire les risques d'incendie. Les directives Fire Smart [https://www.firesmartcanada.ca] sont disponibles pour les individus et les dirigeants communautaires. Les municipalités peuvent créer et entretenir des zones de protection contre les incendies autour et à l’intérieur de leurs communautés en abattant les arbres au bulldozer, en enlevant les déchets forestiers accumulés et en utilisant les parcs et les espaces ouverts de manière créative. Findlater aimerait que la province réglemente les terres privées riches en carburant, ce qui exigerait une meilleure gestion qui réduirait les risques d'incendie pour l’ensemble de la communauté. De plus, les propriétaires et les entreprises peuvent concevoir des bâtiments en tenant compte de la sécurité incendie, par exemple en évitant l'utilisation de matériaux inflammables dans la construction et l'aménagement paysager.

Les incendies sont inévitables et les changements climatiques les rendra plus communs et plus dangereux : il est logique de planifier la manière dont nous construisons, travaillons et vivons près des forêts en tenant compte de la sécurité incendie.

Nous devons également adapter nos stratégies de lutte contre les incendies de forêt à un monde où les incendies sont plus fréquents et plus intenses. Ressources naturelles Canada estime que les coûts de la protection contre les incendies pourraient doubler au Canada d'ici 2040, alors que nous tentons de nous adapter au risque d'aggravation. [3] Flannigan soutient que les incendies à distance devraient pouvoir suivre leur cours en brûlant librement sans intervention humaine. En concentrant les budgets et les capacités de lutte contre les incendies sur les incendies de forêt qui menacent directement les vies humaines et les moyens de subsistance, on évitera les impacts les plus catastrophiques, on réduira naturellement l’accumulation de combustible sec dans la nature et on empêchera que les coûts de lutte contre les incendies de forêt deviennent incontrôlables, tout comme l'aggravation des incendies de forêt.

Flannigan soutient que les incendies à distance devraient pouvoir suivre leur cours en brûlant librement sans intervention humaine. En concentrant les budgets et les capacités de lutte contre les incendies sur les incendies de forêt qui menacent directement les vies humaines et les moyens de subsistance, on évitera les impacts les plus catastrophiques, on réduira naturellement l’accumulation de combustible sec dans la nature et on empêchera que les coûts de lutte contre les incendies de forêt deviennent incontrôlables, tout comme l'aggravation des incendies de forêt.

References

  1. Ressources Naturelles Canada. « Feux de forêt »
  2. Alam, Rafat et al. « Rapide évaluation de l'Impact des incendie de forêt de Fort McMurray »Université MacEwan et l'Institut de prévention des sinistres catastrophiques. “Rapid Impact Assessment of Fort McMurray Wildfire.” MacEwan University / Institute for Catastrophic Loss Reduction.
  3. Ressources Naturelles Canada. « Coûts de protection contre les feux de forêt »
  4. Flannigan, M. D., Krawchuk, M. A., De Groot, W. J., Wotton, B. M., & Gowman, L. M. (2009). « Implications des changements climatiques pour les incendies de forêt mondiales » “Implications of changing climate for global wildland fire.” International Journal of Wildland Fire. https://doi.org/10.1071/WF08187
  5. Wang, X., Parisien, M.-A., Taylor, S. W., Candau, J.-N., Stralberg, D., Marshall, G. A., … Flannigan, M. D. (2017). « Les changements prévus dans les feux quotidiens se propageront au Canada au cours du prochain siècle. », “Projected changes in daily fire spread across Canada over the next century.” Environmental Research Letters, 12(2), 025005.https://doi.org/10.1088/1748-9326/aa5835
  6. Mike Flannigan. « Les incendies et les changements climatiques »“Fire and Climate Change”
  7. CBC. « La pire saison des incendies 2018 enregistrée alors que la C.B. prolonge l'état d'urgence »,“2018 now worst fire season on record as B.C. extends state of emergency”
  8. District régional d'Okanagan-Similkameen. « Des inondations aux incendies : soyez intelligent ! », Regional District Of Okanagan-Similkameen. “From Floods To Fire: Be Fire Smart!”
  9. Ressources Naturelles Canada. « Changements climatiques: Impacts »
  10. Ressources Naturelles Canada. « Dendroctone du pin ponderosa (fiche d'information) »
  11. Ramsfield, T. D., Bentz, B. J., Faccoli, M., Jactel, H., & Brockerhoff, E. G. (2016). « La santé des forêts dans un monde en mutation : les effets de la mondialisation et des changements climatiques sur les impacts des insectes et des agents pathogènes des forêts ». “Forest health in a changing world: Effects of globalization and climate change on forest insect and pathogen impacts.” Forestry, 89(3), 245–252.https://doi.org/10.1093/forestry/cpw018
  12. Ressources Naturelles Canada. « Indicateur : Feux de forêt »
  13. Conseil canadien des ministres des forêts. Stratégie canadienne en matière de feux de forêt : examen décennal et appel à l'action renouvelé.Canadian Council of Forest Ministers. Canadian Wildland Fire Strategy: A 10-year Review and Renewed Call to Action.
  14. Mann, M. E., Rahmstorf, S., Kornhuber, K., Steinman, B. A., Miller, S. K., & Coumou, D. (2017). Influence des changements climatiques anthropiques sur la résonance des ondes planétaires et les phénomènes météorologiques extrêmes. Influence of Anthropogenic Climate Change on Planetary Wave Resonance and Extreme Weather Events. Scientific Reports, 7, 45242. https://doi.org/10.1038/srep45242
  15. Stocks, Brian J. and Ward, P.C. Les changements climatiques, la séquestration du carbone et la protection contre les incendies de forêt dans la zone boréale canadienne, durabilité et changements climatiques: Aperçu de la stratégie du MRN sur les changements climatiques (2011-2014). Ministère des Ressources naturelles de l'Ontario. Rapport de recherche sur les changements climatiques CCRR-20. 2011. Climate Change, Carbon Sequestration, and Forest Fire Protection in the Canadian Boreal Zone Sustainability in a Changing Climate: An Overview of MNR's Climate Change Strategy (2011-2014). Ontario Ministry of Natural Resources. Climate Change Research Report CCRR-20. 2011.http://www.climateontario.ca/MNR_Publications/stdprod_088316.pdf

Further Reading

Next article
Previous article