Les forêts du Canada sont parmi les plus grandes au monde. Elles ont une énorme valeur économique, environnementale et récréative pour les Canadiens de toutes les couches de la société. [1]
Les forêts nettoient l’air, l’eau et le sol. Elles soutiennent beaucoup et d’importantes espèces végétales et animales. Elles représentent une ressource économique vitale, soutenant une industrie florissante du bois, des pâtes et du papier. Elles permettent à la population de pratiquer la chasse et le piégeage traditionnels, de préserver leur culture et de fournir une source de nourriture essentielle pour les collectivités isolées et nordiques. Elles soutiennent une économie touristique et récréative rentable, offrant repos, refuge et aventure aux Canadiens et aux visiteurs.
Nos forêts sont également vulnérables au changement climatique. [2]
Ken Zielke a étudié et travaillé dans les forêts de la Colombie-Britannique pendant plus de trente ans, « Je suis un forestier professionnel et j’ai travaillé sur le terrain pendant toute ma carrière. J’aime rester autant de temps que possible à l’extérieur », affirme Zielke. Il a récemment pris sa retraite à son poste de directeur des enquêtes pour le Forest Practices Board, une organisation de protection des forêts en Colombie-Britannique, et est un expert en foresterie durable et dans les effets du changement climatique sur les forêts.
Selon Zielke, le changement climatique constitue de nombreuses menaces pour les forêts du Canada. Les menaces les plus inquiétant sont : de potentielles épidémies d’insectes plus destructrices, des incendies de forêt plus intenses et plus fréquents, et des changements dans les régimes climatiques qui mettent en péril nos arbres, les industries et les collectivités qui en dépendent.
À l’avenir, il est clair que nous devons prendre des mesures pour protéger nos forêts et nos intérêts de ce qui pourrait être une catastrophe climatique. « La première étape est de reconnaître qu’il y’a un problème », poursuit Zielke. « Nous devons commencer à nous adapter ».
À l’avenir, il est clair que nous devons prendre des mesures pour protéger nos forêts et nos intérêts de ce qui pourrait être une catastrophe climatique. « La première étape est de reconnaître qu’il y’a un problème », poursuit Zielke. « Nous devons commencer à nous adapter ». [3][4] Les saisons des feux de forêt sont devenues de plus en plus longues et destructrices, comme l’illustrent bien les immenses incendies de Fort McMurray en 2016 et les saisons record de feu de forêt en 2017 et 2018 en Colombie-Britannique. [5][6] De plus, les changements climatiques ont commencé à causer le dépérissement d’espèces sensibles, comme le tremble, qui sont confrontées à un stress accru de sécheresse et à des températures plus élevées. [7]
Les forêts changeantes changent le climat
Il est inquiétant de constater que cette menace sur les forêts du Canada risque également d’aggraver les changements climatiques.
Les forêts en bonne santé représentent un énorme système de stockage qui absorbe le carbone et l’empêche d'être rejeté dans l’atmosphère. Cela signifie que lorsque les forêts meurent, sont brûlées ou exploitées, nous perdons une ressource naturelle puissante qui empêche les changements climatiques de s’aggraver.
Terry Teegee est chef régional de l’Assemblée des Premières nations de la Colombie-Britannique, chef tribal du Conseil tribal Carrier Sekani et ancien coordonnateur forestier de la Première nation Takla Lake. Pour Teegee, « essayer de rétablir une sorte d’équilibre dans le déséquilibre des émissions de CO2 » est un défi important pour la gestion forestière face au changement climatique. « Plus on a de forêts, plus on peut capter de carbone dans ces arbres ».
La protection de nos forêts permettra de résister à l’aggravation du changement climatique, et si nous pouvons atténuer la gravité du changement climatique, nous protégerons également nos forêts.
En savoir plus : Les ravageurs forestiers
Au cours des dernières décennies, des hivers exceptionnellement doux ont déclenché des épidémies d’insectes extrêmement dévastatrices et répendus. L’exemple le plus connu est le dendroctone du pin ponderosa. Autrefois un ravageur local mineur, le dendroctone du pin ponderosa est soudainement devenu une menace importante pour la foresterie en Colombie-Britannique et a commencé à s’étendre vers l’est en Alberta. [3][4]
Ken Zielke affirme avec étonnement :« nous n’avons jamais rien vu de pareil auparavant, dans la province et peut-être même dans le monde ». Selon lui, l’infestation de dendroctone du pin ponderosa donne un « aperçu de l’avenir » en ce qui concerne changement climatique, ce qui pourrait donner « plus de ce que nous voyons en ce moment, et encore pire ».
Historiquement, les infestations de dendroctone du pin ponderosa ont été empêchées par les vagues de froid pendant l’automne ou par des hivers longs et froids. Malheureusement pour la Colombie-Britannique et l’Alberta, vingt ans d’hivers doux n’ont pas permis de contenir les dendroctones du pin ponderosa, ce qui a entraîné une énorme explosion démographique. De plus, les étés plus longs et plus chauds permettent pour la première fois au dendroctone du pin ponderosa de vivre deux cycles de reproduction complets par année, ce que Terry Teegee qualifie de « phénomène jamais connu ».
Les mêmes conditions chaudes et sèches qui permettent aux dendroctones de prospérer peuvent aussi rendre les arbres plus vulnérables aux infestations. Ce double fléau de masses d’insectes et d’arbres vulnérables signifie « des vastes zones infestées, de plus en plus vite », explique Teegee.
D’autres ravageurs forestiers prospéreront également dans un climat plus chaud, notamment la tordeuse des bourgeons de l’épinette et la livrée des forêts. [8] Zielke prévient que d’autres infestations de dendroctones pourraient bien apparaître, notamment de nouveaux ravageurs qui se propagent dans la région pour la première fois vu que les conditions climatiques changent.
Pour en savoir plus, consultez notre article sur les ravageurs forestiers.
En savoir plus : Les incendies de forêt
Les feux de forêts sont un aspect naturel du cycle de vie de la forêt. Comme Terry Teegee constate : « le feu fait partie intégrante de la forêt ». Les feux aident à éliminer les détritus du sol forestier, à recycler les éléments nutritifs dans le sol, à ouvrir des brèches dans les peuplements forestiers pour favoriser une nouvelle croissance et à tuer les espèces végétales et animales envahissantes et les ravageurs forestiers. La chaleur qui se dégage des feux de forêt est même nécessaire pour certaines espèces d’arbres, telles que le pin gris, pour la reproduction.
Malheureusement, les incendies peuvent aussi détruire de vastes étendues de forêts, menacer des vies humaines et causer des risques à la santé, aux écosystèmes et au climat.
On s’attend à ce que la hausse des températures augmente la fréquence, l’intensité et l’étendue des feux de forêt au Canada. Cela s’explique en partie par le fait que des températures plus chaudes provoquent une plus grande évaporation qui dessèche les forêts, ce qui les rend beaucoup plus susceptibles de prendre feu. Des températures plus chaudes favorisent également la formation de tempêtes accompagnées de la foudre, ce qui cause l’inflammation d’environ la moitié de tous les feux de forêt au pays. De plus, le climat plus chaud et plus sec du printemps a prolongé la saison des incendies, ce qui signifie que le danger des feux de forêts commence plus tôt dans l’année. Les effets du changement climatique sur les feux de forêts du Canada sont déjà évidents. « Aujourd’hui, nous voyons le résultat du changement climatique : nous constatons beaucoup plus de feux de forêt », note Teegee.
Pour en savoir plus, consultez notre article sur les incendies de forêt et les changements climatiques.
En savoir plus : Variations climatiques et extrêmes
« On prévoit des printemps et des automnes plus humides, et des étés plus chauds et plus secs », explique Ken Zielke, faisant référence aux prévisions du modèle climatique mondial pour une grande partie de la zone forestière du Canada. Chacun de ces changements arrive avec ses propres problèmes pour les forêts du Canada.
L’été plus chaud et plus sec constitue un problème pour nos forêts. « Cela pèse beaucoup sur les arbres, ils s’éteignent, ils deviennent secs », affirme Zielke. Ce stress et sécheresse les rendent plus vulnérables aux maladies aux insectes ravageurs et aux feux de forêts.
Cependant, l’augmentation des précipitations au printemps et à l’automne augmente les risques d’inondation. La combinaison d’été sec et d’automne/printemps humide signifie que les forêts peuvent connaître à la fois des conditions d’inondation et de sécheresse au cours d’une seule année. Ressources naturelles Canada note que les changements dans les régimes de précipitations causent déjà un grand dépérissement du tremble dans les Prairies et que cet effet devrait s’aggraver avec les changements climatiques. [7]
Pendant l’hiver, lorsque de nombreuses forêts du Canada sont en dormance, les changements de température et de précipitations peuvent avoir de nombreux effets néfastes. Le réchauffement permet aux ravageurs et aux maladies de prospérer, tandis que la faible accumulation de neige pendant les hivers chauds signifie que les systèmes racinaires superficiels sont moins isolés et peuvent geler. Les périodes chaudes du milieu de l’hiver ont déjà causé des pertes sans précédent de cèdres parce que leur système racinaire est activé par la chaleur, seulement ils sont congelés et tués lorsque les températures plus froides reviennent, rapporte Zielke.
Les phénomènes météorologiques extrêmes, la variabilité accrue des précipitations et le risque d’épidémies dévastatrices de ravageurs posent un défi de taille à l’industrie forestière. Pour Zielke, « c’est un problème de durabilité : il est difficile de maintenir ce flux constant dans le temps que les forestiers aiment obtenir lorsqu'ils gèrent les forêts. Ce genre de perturbations met les battons dans les roues des planificateurs ».
Atténuation et adaptation
Les modèles peuvent prédire comment les conditions climatiques futures changeront, mais les forêts sont des écosystèmes tellement complexes qu’il est difficile de savoir avec certitude comment elles vont réagir. Plus de recherches doivent être faites pour comprendre comment les forêts du Canada réagiront aux changements climatiques. Cela veut dire que nous devons nous attendre à des menaces inattendues.
Zielke note que « peu importe ce que nous faisons pour essayer de comprendre, d’essayer de prévoir et de prédire ce qui pourrait arriver, nous allons avoir des surprises ». Il explique que cela devrait nous encourager à améliorer la durabilité et la résistance de nos forêts : « Avec l’incertitude, il y a l’opportunité. Nous devons maintenir plus de diversité. Nous devons assurer plus de résistance. Nous devons penser, prévoir et être proactif dans tout ce que nous faisons ».
Trouver des moyens de réduire les émissions de gaz à effet de serre et de ralentir les changements climatiques aidera à protéger nos forêts et à préserver leur capacité à se défendre contre les changements climatiques et à survivre. La Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie a identifié trois stratégies rentables qui peuvent aider à gérer les risques liés aux changements climatiques dans les forêts du Canada [9]:
- Améliorer la protection contre les feux de forêts, leur contrôle et suppression
- Améliorer la lutte contre les insectes nuisibles et établir des mesures de contrôle
- Plantez des espèces d’arbres qui conviennent au changement climatique
Comme c’est le cas pour tant d’impacts du changement climatique, les mesures qui peuvent être prises pour faire face aux menaces peuvent sembler décourageantes. À long terme, cependant, il est à la fois coût effectif et absolument nécessaire d’agir maintenant, surtout pour préserver une ressource aussi importante que les forêts du Canada.
Le besoin de changement est clair pour Zielke et Teegee, qui ont tous les deux vu de leurs propres yeux les menaces croissantes qui pèsent sur la forêt. Zielke explique : « les perturbations prévues par le changement climatique mettent au défi la durabilité, et je pense qu’à cause de cela, l’importance de la durabilité sera au premier plan de toutes les questions auxquelles la société réfléchira. Pas seulement la foresterie, mais presque tout ». Teegee pense à notre responsabilité générationnelle : « la génération suivante, elle devrait vivre avec ce que nous lui laisserons, nous devons vivre avec ce la génération précédente nous a laissé ». Il conclut : « la bonne chose à propos les êtres humains est qu’ils ne se laissent pas abattre ».
Références
- Ressources naturelles Canada. « En quoi les forêts sont-elles bénéfiques aux Canadiens? »
- Ressources naturelles Canada. « Changements climatique : Impacts »
- Ressources naturelles Canada. « Dendroctone du pin ponderosa »
- Université d’Alberta. « Attack of the pine beetle »
- Service de feux de forêts de la Colombie-Britannique. Wildfire Season Summary (2017)
- CBC. « 2018 now worst fire season on record as B.C. extends state of emergency »
- Ressources naturelles Canada. « Climat en évolution, zones forestières en transition »
- Haynes, Kyle & Allstadt, Andrew & Tardif, J. (2014). « Effects of climate change on forest tent caterpillar outbreak dynamics based on a century of tree-ring data »
- Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie. Paying the Price: The Economic Impacts of Climate Change for Canada http://nrt-trn.ca/climate/climate-prosperity/the-economic-impacts-of-climate-change-for-canada/paying-the-price
Référence d'article recommandée
Atlas climatique du Canada. (n.d.) Forêts et changement climatique. Prairie Climate Centre. https://atlasclimatique.ca/forets-et-changement-climatique