Changements climatiques et fumée des feux de forêt

Wildfire smoke

En août 2018, la Colombie-Britannique a déclaré un état d’urgence provincial en raison de feux de forêt. À leur apogée, plus de 560 feux de forêt brulaient dans la province. La fumée dégagée par ces feux s’est répandue à des milliers de kilomètres de là, entrainant la mise en place d’avertissements quant à la qualité de l’air, partout en Colombie-Britannique, en Alberta et jusqu’au sud du Manitoba[1]

Depuis quelques années chaque été, des saisons de feux de forêt sans précédent ont fait les manchettes à travers le Canada. Cela se poursuivra puisque les changements climatiques entrainent des étés plus secs et plus longs augmentant le risque de feux de forêt pour les Canadiens.

Un de ces risques accrus est l’exposition à la fumée. Une augmentation du nombre de feux de forêt signifie plus de fumée et plus de fumée signifie plus de problèmes de santé liés à la fumée. Puisque la fumée se déplace rapidement, ces problèmes de santé n’affectent pas uniquement les gens résidant dans des régions sujettes aux feux de forêt.

« Le feu n’a pas besoin d’être à votre porte pour être importuné, affirme Jeff Eyamie, agent régional des effets de l’air sur la santé chez Santé Canada. « La fumée des feux de forêt peut se transporter à la grandeur du globe. Il y a des preuves que les feux de Fort McMurray [en 2016] ont produit de la fumée qui a voyagé jusqu’au Royaume-Uni et même au-delà. »

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Lorsque le chercheur en feux de forêt Mike Flannigan regarde vers l’avenir et les impacts des changements climatiques sur les feux de forêt au Canada, il n’y va pas avec le dos de la cuillère : « en un mot, je dirais que l’avenir est enfumé. »

Flannigan étudie le feu depuis plus de trente ans. Ses travaux et ceux de centaines d’autres chercheurs démontrent que les changements climatiques vont aggraver les trois principaux facteurs qui influencent les feux de forêt : avoir du combustible sec à bruler, des foudroiements fréquents qui allument des feux et une température sèche, et du vent qui attise les flammes.

Avec les changements climatiques, nous verrons davantage d’évènements extrêmes (inondations, feux de forêt, etc.). Il est important de réaliser que ces risques sont liés. Même après les crues printanières, la chaleur estivale peut s’installer rapidement, asséchant la végétation venant tout juste de pousser grâce au printemps humide. Ce processus peut créer de nouveaux combustibles ainsi que des conditions dangereuses pour les feux de forêt.[2]

Pour en apprendre davantage sur les feux de forêt et ce que nous pouvons faire pour les contrôler, consultez notre article Les incendies de forêt et le changement climatique.

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Comment la fumée affecte-t-elle votre santé?

Pensez à une ville industrielle remplie de smog telle que Pékin. L’air dans ces villes est habituellement pollué par des particulaires fines qui sont considérées étant un des polluants atmosphériques les plus dangereux. En raison de leur petite taille, elles peuvent être facilement transportées sur de longues distances par les vents et peuvent pénétrer profondément dans vos poumons, causant ainsi irritation et inflammation.

Une fumée dense provenant de feux de forêt peut contenir 50 fois plus de matières particulaires fines que ce que l’Organisation mondiale de la santé considère être acceptable pour une exposition sécuritaire. Alors, lorsque nous parlons de la fumée provenant de feux de forêt en tant que problème de santé, nous parlons en fait d’un type de pollution atmosphérique très intense.

L’impact le plus important de la fumée des feux de forêt sur la santé est sans contredit une difficulté à respirer. Le nombre de visites aux urgences augmente en flèche durant les feux de forêt puisque les gens se présentent pour de l’essoufflement, de la toux, de l’irritation, de l’asthme qui empire et d’autres problèmes respiratoires.

Nous respirons tous, donc nous sommes tous vulnérables face aux impacts de la fumée des feux de forêt. Une majorité d’entre nous est particulièrement vulnérable :

  • Les gens qui travaillent, jouent ou passent beaucoup de temps à l’extérieur
  • Les gens souffrant d’asthme, d’allergies ou certains autres problèmes de santé
  • Les gens ayant des ressources économiques limitées
  • Les enfants
  • Les adultes plus âgés
  • Les femmes enceintes.

Les impacts de la fumée des feux de forêt ne se limitent pas aux problèmes respiratoires. Selon Eyamie, « on peut maintenant démontrer un lien entre la fumée des feux de forêt et un faible poids à la naissance, les infarctus, les maladies cardiovasculaires et plusieurs autres types d’impacts sur la santé. »

La bonne nouvelle est que lorsque la fumée disparait, habituellement ces risques à court terme disparaissent également. Les scientifiques font des recherches pour déterminer les impacts à long terme qui sont causés par une courte exposition à la fumée.[3] Mais puisque les impacts à court terme peuvent être sérieux, il est important de vous protéger, ainsi que les autres, lors qu’il y a présence de fumée.

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Bien que nous sachions que la fumée peut être extrêmement nocive, il y a des aspects que les scientifiques essaient encore de comprendre. Comme l’explique Eyamie, « la fumée est une chose très difficile à quantifier. Chaque incendie est un peu différent. » Plusieurs facteurs tels que la température et le vent peuvent expliquer que la fumée voyagera ou non et ceci rend son étude et sa modélisation difficile.[4]

Eyamis dit que puisque la fumée est le produit d’une combustion incomplète, « la composition chimique de la fumée est toujours différente. Il est donc très difficile d’affirmer qu’elle réagira de la même façon dans tous les cas d’incendie. »

Mieux comprendre la fumée nous aidera à mieux comprendre ses effets sur la santé. Par exemple, nous savons que la fumée peut affecter le système cardiovasculaire. L’inflammation causée par la pollution par la fumée peut augmenter le risque de caillots sanguins et peut avoir un impact sur le système nerveux. Davantage de recherches seront nécessaires pour vraiment comprendre l’impact de la fumée sur la santé cardiovasculaire.

Les scientifiques essaient également de déterminer si une exposition à court terme à une fumée peut affecter le système immunitaire, incluant le développement d’allergies et d’asthme chez les enfants.[5]

Santé communautaire et feux de forêt

La fumée n’a pas seulement des impacts sur la santé physique. Lorsque la majorité de la Colombie-Britannique s’est enflammée en 2018, l’Association canadienne pour la santé mentale a intensifié ses efforts de communication parce qu’il y a des liens bien connus entre la fumée des feux de forêt et l’anxiété, la dépression et d’autres problématiques.[6] Ces liens sont suffisamment sérieux que plusieurs gouvernements provinciaux au Canada ont développé des stratégies en matière de santé mentale en réponse aux feux de forêt.

La fumée des feux de forêt est particulièrement problématique pour les communautés éloignées et rurales. « Si vous vivez dans une communauté isolée comme une communauté nordique des Premières Nations dont l’accès ne se fait que par la voie des airs, vous pouvez être très isolé si vous ne pouvez pas vraiment vous déplacer lorsqu’il y a présence de fumée pendant une période prolongée. Vous ne pouvez pas faire vos activités extérieures traditionnelles », dit Eyamie. La présence de fumée rend la vie quotidienne plus difficile là où les services sont déjà limités, et si une évacuation est requise, le processus peut être particulièrement difficile sur ces populations.

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Les feux de forêt n’ont pas uniquement des impacts sur la santé physique et mentale suite à une inhalation de fumée. Ils ont également des impacts réels et souvent dévastateurs sur la santé psychosociale en raison des dérangements qu’ils causent sur la vie normale. « Je crois que nous en sommes uniquement aux balbutiements en matière de développement de données probantes sur les impacts qu’ont les feux de forêt sur la santé mentale », affirme Eyamie.

Les incendies de Fort McMurray en 2016 ont démontré des niveaux de stress, d’anxiété, de dépression, de TSPT, d’abus de substances plus élevés suite au désastre.[7]

Plusieurs impacts sur la santé mentale s’aggravent lorsqu’il y a un processus d’évacuation et que les gens sont déracinés de leur demeure, et placés dans des situations non familières. En résumé, les mesures d’intervention en cas de sinistre peuvent être traumatisantes. Voilà pourquoi il est primordial que les mesures d’intervention en cas de sinistre incluent un soutien social et mental, et ce, durant et après un incendie.[8] Pour les communautés autochtones en particulier, les prestations de services doivent être flexibles et adaptées à leur culture.[9]

Pour en apprendre davantage, visionnez votre vidéo Feux de forêt et santé communautaire.

Comment demeurer en sécurité

Donc, que devriez-vous faire lorsque le ciel est d’un gris menaçant et rempli de fumée? Heureusement, il y a plusieurs choses simples que vous pouvez faire pour rendre la saison des feux de forêt plus sécuritaire.

Par-dessus tout, soyez sensibilisé. Durant la saison des feux de forêt, suivez le déplacement de la fumée au pays grâce au site internet FireWork. Ce système de prévision de la fumée des feux de forêt, développé par Environnement et Changement climatiques Canada, est une façon facile de comprendre l’impact que cette fumée pourrait avoir sur votre communauté.

Un autre très bon outil pour évaluer votre risque est laCote air santé , ou CAS. Elle vous permet d’avoir un portrait rapide de la qualité de l’air dans votre région, évaluée sous la forme d’un risque faible à élevé. Tout comme nous gardons un œil sur l’index UV lors des chaudes journées d’été, porter attention à la CAS peut vous aider à établir comment la fumée des feux de forêt pourrait affecter votre santé.

Lorsque la fumée des feux de forêt pose un risque pour la santé, Eyamie recommande trois choses importantes. Premièrement, réduisez l’exposition à la fumée. « Vous y arrivez en vous tenant loin de la fumée, en l’inhalant moins, c’est-à-dire en ne pratiquant pas d’activités extérieures intenses. » Eyamie indique que la meilleure option est souvent de demeurer à l’intérieur.

Deuxièmement, essayez de filtrer l’air. « Utiliser un filtre HEPA est une excellente façon de le faire dans un espace confiné », indique Eyamie. Si vous conduisez, fermez les fenêtres et mettez votre système de ventilation à « recirculation ».

Et troisièmement, allez chercher une aide médicale. « Si vous ressentez un inconfort, si vous commencez à démontrer certains symptômes et qu’ils sont causés par la fumée, demandez de l’aide », dit Eyamie. Surveillez les autres qui pourraient être vulnérables, tels les enfants, les personnes âgées ou les personnes avec des problèmes pulmonaires ou cardiaques.

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Mettre un simple masque facial pourrait sembler être un geste naturel en présence de pollution ou de fumée dense. Malheureusement, il y a beaucoup d’informations conflictuelles sur l’efficacité des masques faciaux et leur capacité ou non à réduire la pollution que vous inhalez. « Garder à l’esprit que vous couvrez les choses que vous utilisez pour respirer », indique Eyamie.

Une étude portant sur les masques faciaux en vente libre en Chine a révélé que même si le masque est de bonne qualité, il peut y avoir des infiltrations d’air allant jusqu’à 68 % dépendamment de la qualité de l’ajustement du masque sur votre visage.[10] Comme l’indique Eyamie, « le point de vue habituel est que le masque n’a pas une grande utilité. Il a principalement un effet placebo. »

Bien qu’un masque avec une cote N95 pourrait être utile, la meilleure protection consiste à simplement réduire son exposition à la fumée en demeurant à l’intérieur et en évitant de faire une activité physique.

Réduire les feux de forêt

Dans une perspective globale, le réel défi est comment réduire la fumée de feux de forêt avant toute chose. Cela implique de réduire le nombre de feux de forêt via une meilleure gestion des forêts. Eyamie explique que « nous devons gérer nos forêts intelligemment et le feu doit faire partie de la gestion des forêts. Nous devons accueillir le feu comme une force créative au sein de l’écosystème. »

Il est également primordial que nous réduisions le nombre de feux de forêt causés par l’homme en portant attention, par exemple, aux interdictions de faire des feux à ciel ouvert. Près de la moitié des feux de forêt est causé par les humaines ce qui signifie qu’il y a beaucoup de choses que nous pouvons faire pour qu’ils ne se produisent pas.

Peu importe le succès obtenu dans la gestion des feux de forêt, nous ne pouvons nier qu’ils seront de plus en plus nombreux au cours des années à venir. Voilà pourquoi il est important, plus que jamais, de réduire nos émissions de combustibles fossiles. Plus nous mettrons d’efforts à réduire les changements climatiques et à faire fleurir nos communautés durables, moins les impacts sur ces communautés seront importants à long terme.

References

  1. Postmedia News and the Canadian Press, “B.C. Declares State of Emergency as Heavy Smoke from Its Wildfires Blanket Alberta Cities,” National Post, August 15, 2018.
  2. Regional District of Okanagan-Similkameen. "From Floods to Fire: Be Fire Smart!"
  3. Robin Marks, “For Many, No Long-Term Health Impacts from Wildfire Smoke, But More Studies Needed,” University of California San Francisco (blog), October 24, 2017.
  4. Black, C., Y. Tesfaigzi, J. A. Bassein, and L. A. Miller. “Wildfire Smoke Exposure and Human Health: Significant Gaps in Research for a Growing Public Health Issue.” Environmental Toxicology and Pharmacology 55 (October 2017): 186–95. https://doi.org/10.1016/j.etap.2017.08.022.
  5. Robin Marks, “For Many, No Long-Term Health Impacts from Wildfire Smoke, But More Studies Needed,” University of California San Francisco (blog), October 24, 2017.
  6. Tiffany Crawford, “B.C. Wildfires 2018: Mental Health a Concern as Smoke Chokes Province,” Vancouver Sun, August 23, 2018.
  7. Agyapong, Vincent I. O., Michal Juhás, Matthew R. G. Brown, Joy Omege, Edward Denga, Bernard Nwaka, Idowu Akinjise, et al. “Prevalence Rates and Correlates of Probable Major Depressive Disorder in Residents of Fort McMurray 6 Months After a Wildfire.” International Journal of Mental Health and Addiction 17, no. 1 (February 1, 2019): 120–36. https://doi.org/10.1007/s11469-018-0004-8.
  8. Felix, Erika D., and Walid Afifi. “The Role of Social Support on Mental Health After Multiple Wildfire Disasters.” Journal of Community Psychology 43, no. 2 (2015): 156–70. https://doi.org/10.1002/jcop.21671.
  9. “From the Ashes: Reimagining Fire Safety and Emergency Management in Indigenous Communities. Report of the Standing Committee on Indigenous and Northern Affairs.,” June 12, 2018.
  10. Caroline Crist, “Face Masks Available to Consumers May Be Ineffective against Air Pollution,” Reuters, May 3, 2018.
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