Chaleur extrême et santé

Extreme Heat

De nombreux Canadiens se réjouissent de l’arrivée des chaudes journées d’été comme un répit suite à nos hivers longs et froids. Naturellement, nous avons tendance à penser que plus de chaleur estivale est une bonne chose.

Mais trop de chaleur peut être dangereuse.

Kim Perrotta, directrice principale de la santé et des politiques de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement (CAPE), souligne que les températures élevées « peuvent entraîner une hausse du nombre de décès prématurés, provoquer un coup de chaleur et aggraver les maladies cardiaques et respiratoires ». Elle prévient « qu’il s’agit en réalité d’une préoccupation réelle pour la santé humaine qui touche une grande partie du pays. »

La chaleur extrême peut également aggraver des problèmes de santé mentale tels que la dépression et l'anxiété. Et cela accroît les risques de sécheresse et de feux de forêt, ce qui a de graves conséquences pour la santé personnelle et communautaire.

Les collectivités partout au Canada connaissent très bien les dangers de la chaleur. Au cours des derniers étés, des vagues de chaleur et des avertissements de chaleur extrême se sont produits fréquemment, notamment à Winnipeg, Ottawa, Halifax, Toronto et, plus dramatiquement, à Montréal. À l'été 2018, les températures à Montréal ont monté en flèche pendant huit jours d'affilée, atteignant un niveau record de plus de 40 °C avec l'indice humidex. Soixante-six personnes sont mortes de la chaleur. [1]

D’autres régions du sud du Québec ont également été touchées par des vagues de chaleur, ce qui porte à quatre-vingt-six le nombre de morts dans la région. [2]

Lire également : Anatomie d'une vague de chaleur

En général, une vague de chaleur est une période prolongée de temps exceptionnellement chaud. Il n’existe pas de définition scientifique simple et communément acceptée d’une vague de chaleur. Nous définissons cette période comme une période d'au moins trois jours consécutifs où la température atteint 30 °C ou plus. Nous l’utilisons parce que 30 °C est vu comme une journée « chaude » partout au Canada, et une série de journées chaudes augmentera la probabilité d’impacts thermiques importants pour les Canadiens.

On prévoit que les vagues de chaleur devraient devenir plus longues, plus chaudes et plus fréquentes. Consultez notre rapport spécial sur les vagues de chaleur et la santé pour voir comment les vagues de chaleur devraient augmenter et avoir un impact sur différentes régions du pays.

La hausse des températures pose un problème en particulier aux habitants des grandes villes. Gord Perks, conseiller municipal à Toronto, craint que la hausse des températures ne devienne un danger pour les habitants de sa ville. « Nous avons eu la chance jusqu’à présent de ne pas avoir eu une vague de chaleur meurtrière », a-t-il déclaré en 2018. « Nous n’en avons pas eu, mais nous en aurons probablement. Tous les modèles disent que cela va se produire. »

Il ne fait aucun doute qu'avec les changements climatiques, nous aurons plus de chaleur et de vagues de chaleur. Même les villes côtières tempérées telles que Vancouver se préparent aux impacts de la chaleur extrême. « Je pense qu'aucun d'entre nous n’a jamais pensé utiliser les mots « vague de chaleur » et « Vancouver » dans la même phrase », a affirmé l'ancien conseiller municipal de Vancouver, Andrea Reimer, « mais c'est une chose à laquelle nous devons désormais nous attendre, mais que nous vivons. »

Pourquoi la chaleur cause-t-elle tant de problèmes de santé?

La chaleur extrême peut faire beaucoup de mal à votre corps si vous êtes incapable de rebaisser votre température corporelle. Les professionnels de la santé nous mettent en garde contre un certain nombre de problèmes de santé liés à la chaleur. Les impacts de la chaleur peuvent aller des crampes et des éruptions cutanées à des maladies plus graves causées par une exposition prolongée, comme un évanouissement, un épuisement dû à la chaleur et un coup de chaleur. Dans les circonstances extrêmes, ne pas pouvoir baisser la température de son corps pourrait entraîner la mort [3]

Moins directement, des températures à la hausse peuvent avoir un impact sur notre santé en raison de la hausse de la pollution atmosphérique. Les températures élevées « cuisent » les gaz d'échappement des véhicules, les transformant en ozone et smog troposphériques nocifs. Le smog est souvent concentré dans les grandes villes, mais les problèmes de qualité de l’air peuvent être tout aussi graves dans les zones rurales et suburbaines, surtout que le Canada connaît de plus en plus de feux de forêt. La pollution atmosphérique peut irriter les yeux, le nez et la gorge, aggraver des problèmes cardiaques et pulmonaires préexistants ou, dans certains cas, causer des problèmes de santé à long terme. [4]

Il est important de noter que la chaleur peut également affecter la santé mentale et le bien-être de la communauté. Les cas de troubles de l'humeur, de troubles anxieux, de démence et de détresse psychologique augmentent tous lorsque le mercure augmente. [5] La chaleur peut avoir un impact sur les interactions interpersonnelles, avec une augmentation de l'irritabilité et de l'agressivité.[6,7] Il a également été démontré que la violence familiale et les crimes violents augmentent au cours des chaleurs extrêmes. [8]

Qui est vulnérable à la chaleur?

Le conseiller municipal de Toronto, Gord Perks, a fait remarquer que, lorsque de longues vagues de chaleur se produisent, « une grande partie de la population devient soudainement vulnérable ». Nous avons vu la réalité tragique de ces risques à l'été 2018, alors que de graves vagues de chaleur frappaient de nombreuses villes canadiennes. À Montréal, les températures sont restées élevées pendant huit jours consécutifs et 66 personnes sont décédées des suites de la chaleur. La plupart des victimes étaient des hommes âgés vivant seuls. [9]

Nous sommes tous confrontés à des risques accrus pour la santé dus au temps chaud, mais comme le montre la vague de chaleur de 2018 à Montréal, certaines personnes sont plus vulnérables que d'autres. La gestion des effets de la chaleur est en grande partie dictée par la capacité d’une personne à accéder aux ressources. [10] Par exemple, les personnes sans logement adéquat, sans air conditionné, ou sans réserves suffisantes d'eau potable auront des difficultés à faire face à la chaleur.

Les personnes socialement isolées ou à mobilité réduite peuvent avoir du mal à obtenir de l'aide et à s'installer dans des endroits moins chauds. Les personnes qui ont des difficultés à accéder aux ou à comprendre les informations de santé publique telles que les avertissements de chaleur peuvent également être plus à risque. Le docteur Jean Zigby, médecin en soins palliatifs à Montréal, explique que les personnes en situation d'isolement social, et en particulier les personnes ayant des problèmes de santé mentale, courent un risque plus élevé : « elles semblent constituer un pourcentage disproportionné de la population qu’on retrouve malheureusement décédée en raison de l'épuisement par la chaleur. »

D'autres facteurs, tels que les conditions médicales préexistantes et une sensibilité particulière à la chaleur (en particulier chez les personnes âgées et les enfants), ont une incidence sur la vulnérabilité. Selon le Dr Zigby, « nous voyons beaucoup de patients se détériorer après des épisodes de smog et après des vagues de chaleur » et il note que lorsque la chaleur augmente, « le risque est énorme » pour ses patients « chaque fois qu’ils mettent le pied à l’extérieur ».

Il est également important de se rappeler que toute personne qui est active à l’extérieur, en participant à des activités extérieures ou en travaillant à l’extérieur, court un risque accru.

Lisez également : Que devriez-vous faire pendant une vague de chaleur?

1. Sachez quand des avertissements de chaleur extrême sont émis dans votre région. Préparez-vous et ceux qui vous entourent à la hausse des températures.

2. Quand il fait chaud, limitez le temps que vous passez à l’extérieur, surtout lorsque vous participez à des activités épuisantes. Demeurer à l'intérieur dans des espaces climatisés et où il y a une bonne circulation d’air est le meilleur moyen de rester au frais. Si vous n’avez pas accès à la climatisation ou à un sous-sol frais à la maison, les bâtiments publics tels que les bibliothèques ou les lieux d’accueil climatisés offrent des espaces qui peuvent être utilisés pour se rafraîchir.

3. Lorsque les activités de plein air sont inévitables, essayez de les programmer plus tôt ou plus tard dans la journée lorsque la température est plus fraiche. À l’extérieur, prenez des pauses fréquentes pour ne pas vous fatiguer.

4. Buvez beaucoup d'eau pour rester hydraté. Limitez votre consommation d'alcool et remplacez les boissons alcoolisées par des boissons non alcoolisées afin de réduire le risque de déshydratation.

5. Porter des vêtements légers et pâles ainsi qu’un chapeau (et un écran solaire pour éviter les coups de soleil) peut faire toute la différence en réduisant votre exposition aux rayons du soleil et en veillant à ce que votre corps puisse respirer. Tenez-vous-en aux zones ombragées loin de la chaleur directe du soleil.

6. La réduction des risques de canicule est un travail d'équipe. Soyez à l’affut des voisins et des membres de votre communauté qui pourraient avoir besoin d'aide pour se protéger. Aller les voir et s'assurer que tout le monde est en sécurité et en bonne santé est un moyen efficace de réduire les risques.

Lisez également : « Chaleur extrême : vagues de chaleur » sur le site de Santé Canada[3]

Agir pour prévenir les impacts sur la santé

Les collectivités partout au Canada s'efforcent de gérer la réalité de l'augmentation de la chaleur causée par les changements climatiques. Montréal et Toronto ont des plans d’adaptation et de réaction à la chaleur extrême et prennent des mesures pour réduire les risques.

Le Dr Zigby affirme : « Nos responsables de la santé publique et les responsables de notre ville sont de plus en plus sensibles à la nécessité d'adapter les infrastructures aux vagues de chaleur. » Il mentionne qu’au cours des 15 dernières années, Montréal a mis en place « des plans pour contacter les personnes socialement isolées afin de leur garantir l’accès à des zones fraîches ». Il note également qu'il y a eu « un investissement massif dans les parcs où une composante de l'eau est incluse », permettant ainsi aux enfants et aux autres personnes vulnérables de se rafraichir.

Conformément à son programme d’adaptation aux vagues de chaleur, la Ville de Montréal a pris des mesures pour réduire les risques durant la vague de chaleur de 2018. Les pompiers et les policiers ont fait du porte-à-porte dans les quartiers vulnérables pour s’assurer que les résidents étaient en sécurité et offrir à ces gens des conseils. La Ville a également augmenté le nombre d'ambulanciers paramédicaux et d'ambulances disponibles, envoyé des bulletins d'avertissement, prolongé les heures d'ouverture des piscines publiques et ouvert des centres de rafraichissement d'urgence. [11] Le taux de mortalité lors de la vague de chaleur de 2018 a été considérablement réduit par rapport à une autre vague de chaleur grave en 2010, très probablement grâce à de meilleures prévisions et interventions en matière de santé publique. [2]

Lisez également : Stratégie de résilience de Toronto

La stratégie de résilience de Toronto pour 2019 utilise l’Atlas climatique du Canada pour déterminer le type de climat futur auquel la ville devra probablement faire face et réagir. [R, p. 54] Selon ces données, la stratégie comprend une section sur les approches permettant d'atténuer les effets de la chaleur extrême. Certaines des mesures proposées incluent :

  • un accès accru aux centres de rafraichissement;
  • la promotion d'un « programme de visite des voisins »;
  • l’ajout de structures d'ombrage;
  • la modernisation d'immeubles d'appartements;
  • la mise en place d'infrastructures vertes.

À Toronto, certains groupes communautaires s’attèlent à la tâche afin de réagir aux vagues de chaleur. Un groupe d'organisations religieuses ont uni leurs forces et ouvrent leurs portes lors d'événements de chaleur extrême, créant ainsi un réseau de centres de rafraichissement organisés par la communauté et renforçant la résilience sociale face à la menace de chaleur extrême. [12]

Le développement d'un réseau de soutien au sein de votre communauté peut être un moyen efficace d’être à l’affut des personnes plus vulnérables. Les visiter régulièrement lorsque des avertissements météorologiques sont émis peut être un moyen facile de s’assurer que tout le monde est en sécurité, informé et reçoit de l’aide si nécessaire.

Lisez également : La climatisation est-elle la solution?

Au Canada, beaucoup d’entre nous ont recours à la climatisation pendant la chaleur estivale. Malheureusement, les pointes d'utilisation des climatiseurs lors des vagues de chaleur imposent une charge énorme aux systèmes électriques.

« Si tout le monde utilise la climatisation, les réseaux électriques sont soumis à une énorme pression et les risques de coupure de courant ou de baisse de tension vont s’accroitre », explique la Dre Georgia Chaseling, chercheuse postdoctorale à l'Institut de cardiologie de Montréal. Chaseling cite des exemples récents de coupure de courant qui ont entraîné une augmentation de la mortalité atteignant 30 % pendant les vagues de chaleur.

En même temps, si l’électricité qui alimente les climatiseurs est générée par des combustibles fossiles à haute teneur en carbone, leur utilisation pour combattre la chaleur aggravera le réchauffement climatique qui a créé la chaleur au départ. [13]

De nombreuses stratégies favorisant l'efficacité énergétique et le confort par temps froids sont également excellentes pour faire face aux fortes chaleurs. Les bâtiments bien isolés empêchent la chaleur de pénétrer en été, tout comme le froid en hiver. Cela augmente le confort et réduit le besoin de climatisation.

Mais il est important de se rappeler qu’acquérir un climatiseur ou rénover votre maison n’est pas abordable ni viable pour beaucoup de Canadiens. « Tout le monde ne peut pas se payer la climatisation... Nous essayons de trouver des moyens économiques et écologiques de garder les gens au frais pendant les vagues de chaleur », explique Chaseling. Son équipe de recherche est à la recherche de mesures telles que « simplement utiliser un ventilateur, ou mouiller la peau avec de l’eau froide avec un ventilateur également, pour réellement aider les gens à rester au frais et diminuer les tensions cardiovasculaires ».

Pour réduire le nombre de maladies et de décès dus aux épisodes de forte chaleur, les villes doivent prendre des mesures à grande échelle qui réduisent la vulnérabilité des citoyens à haut risque. La Ville de Toronto, par exemple, fournit au public un accès à certaines installations climatisées durant les vagues de chaleur. [14] L’accès accru aux piscines, aux aires de jets d’eau et à l’eau potable peut offrir aux citadins une aide bien nécessaire.

De plus, l’adoption de bonnes politiques contribuant à réduire la pauvreté et à accroître l’accès à un logement sécuritaire et abordable réduira les risques pour certaines des personnes les plus vulnérables de nos collectivités.

Les individus et les communautés peuvent faire face aux défis des vagues de chaleur avec ce type d’actions, mais un changement social et politique est également nécessaire pour réduire les risques de manière plus générale.

Par exemple, le planificateur urbain de Montréal, Chakib Benramdane, note que l'environnement bâti des villes aggrave le réchauffement, mais « là où il y a beaucoup de verdure, beaucoup de nature, cette nature neutralise ces effets. La nature est bien faite, elle s'équilibre. » Il affirme que la meilleure solution à l'intensification urbaine des risques thermiques consiste à cultiver une végétation, des arbres, de l'eau et des espaces naturels plus étendus.

L'aménagement, l'expansion ou l'amélioration des espaces verts dans les centres-villes peut permettre de réduire considérablement les températures au sol et les impacts des chaleurs extrêmes. [15] En plus de réduire les températures, la présence d’espaces verts tels que les parcs, les arbres et la végétation naturelle a été associée à un certain nombre d’avantages supplémentaires pour la santé. Ceux-ci incluent une meilleure santé physique et mentale et un bien-être général [16,17] Des études démontrent également que les espaces verts peuvent renforcer les liens sociaux et renforcer la communauté [18]

En choisissant de verdir nos villes, de promouvoir les transports et de passer à l'utilisation d'énergies renouvelables pour nos besoins en énergie, nous pouvons créer des communautés plus saines avec moins de polluants atmosphériques, mais aussi plus résistantes à la chaleur extrême. Voir notre rubrique « Agir » pour plus d'idées et d'histoires sur l'action climatique.

References

  1. Santé Montréal. “Epidemiological Investigation: Heat Wave Summer 2018 in Montréal - Summary.”
  2. Données climatiques Canada. « Les vagues de chaleur extrême au Québec. »
  3. Santé Canada. « Chaleur accablante – vagues de chaleur. »
  4. Jacob, Daniel J., and Winner, Darrell A. “Effect of climate change on air quality.” Atmospheric Environment 43.1: 51-63.
  5. Lõhmus, Mare. “Possible Biological Mechanisms Linking Mental Health and Heat—A Contemplative Review.” International Journal of Environmental Research and Public Health.
  6. WGBH News. “Heat and aggression: How hot weather makes it easy for us to offend"
  7. Anderson, Craig. 2001. “Heat and violence.” Current Directions in Psychological Science. Volume 10 Issue 1. pgs:33-38
  8. BBC News. “Heatwave: Is there more crime in hot weather?”
  9. Direction régionale de santé publique, CIUSSS du Centre-Sud-de-l’Île-de-Montréal. “Canicule : Juillet 2018 – Montréal – Bilan Préliminaire.”
  10. Banks, Nick et al. “Climate change and social justice: an evidence review.”
  11. City of Montréal. “Heat wave in Montréal: The city activates the intervention level of its extreme heat response plan.”
  12. Climate Atlas of Canada. “Heat Waves and Hope.”
  13. "Before, during, and after a summer power outage," Stephanie Fereiro, August 8, 2018.
  14. "Toronto gets brief relief but no long-term shelter from extreme heat," CBC News, July 6, 2018.
  15. University of Leeds. “A Brief Guide to the Benefits of Urban Green Spaces.”
  16. CBC News. “Green space improves mental health, well-being.”
  17. Terton, Anika. “Building a Climate Resilient City: Urban ecosystems.”
  18. Globe and Mail. “Growing cities struggle to stay green.”
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